Un paradis de chasseurs millionnaires, à un jet de pierre de l'île d'Orléans, est en vente depuis jeudi pour la rondelette somme de 5 millions de dollars. La propriété suscite même l'intérêt d'acheteurs chinois qui aimeraient mettre la main sur l'une des plus grandes îles privées du fleuve Saint-Laurent.

L'île au Ruau, avec sa vue sur le mont Sainte-Anne, fait 4 km de long sur 500 m dans sa portion la plus large. Elle est recouverte de forêt et de champs, peuplée d'oies et de chevreuils, au grand bonheur d'un club de chasse qui regroupe certaines des plus grandes fortunes du Québec.

« Le prince Philip a déjà chassé ici, révèle le propriétaire de l'île au Ruau, William O'Brien fils. Il y a plusieurs autres grands financiers, des premiers ministres, des ambassadeurs qui sont venus sur l'île. Mais on a comme règle de garder tout ça secret. »

C'est le père de M. O'Brien qui a acquis l'île au Ruau en 1962. La famille l'a depuis conservée pour en faire un territoire de chasse hors pair. La municipalité de Saint-François-de-l'Île-d'Orléans, dont relève l'île, l'a zonée « conservation ».

William O'Brien aimerait vendre à quelqu'un qui conservera le caractère de l'endroit. « Il ne peut y avoir de terrain de golf ici ni de Holiday Inn. C'est une île de chasse et on espère que ça va l'être pour toujours », explique le vendeur. Il soutient que sa propriété constitue « la plus grande île privée dans le Saint-Laurent ».

Tout juste mise sur le marché, l'île suscite déjà la convoitise d'investisseurs chinois, selon le vendeur et son courtier, Guillaume Tremblay, de RE/MAX.

« On ouvre à tout le monde. Mais c'est sûr qu'on aimerait vendre à des Québécois, que le projet soit rêvé par des Québécois. Mais M. O'Brien n'est plus jeune et il veut vendre. Si on a une offre d'ailleurs, on va la prendre. »

Pour l'instant, l'île est fermée pour l'hiver. Les visites auront lieu au printemps. L'île est accessible par avion et dispose de deux pistes d'atterrissage. Il est possible de s'y rendre par bateau, de Saint-François-de-l'Île-d'Orléans ou de Berthier-sur-Mer.

Selon le courtier, l'endroit est idéal pour une personne en quête de « la sainte paix » ou un entrepreneur qui voudrait une pourvoirie unique. Les champs de l'île produisent du grain qui sert à nourrir les proies. « Les chevreuils ne peuvent pas quitter l'île », dit M. Tremblay.

UNE HISTOIRE ROCAMBOLESQUE

L'histoire plus lointaine de l'île au Ruau est mouvementée. La maison qui y accueille encore aujourd'hui les chasseurs a été construite par George Mellis Douglas. Ce médecin a occupé les fonctions de surintendant de la quarantaine de Grosse-Île. C'est là que les immigrants, dont beaucoup d'Irlandais ravagés par le typhus et la faim, étaient gardés à leur arrivée au Canada.

M. Douglas était en poste en 1847 quand 5000 d'entre eux sont morts à Grosse-Île. Lui-même a bien failli y passer. Il a acheté l'île au Ruau en 1849.

Miné par la maladie et les dettes, M. Douglas s'y est donné la mort le 2 juin 1864. 

« Le sang était encore sur le sol quand on a acheté la maison ! »

- William O'Brien, propriétaire de l'île

M. O'Brien est passionné par l'histoire de son île. « C'était aussi une île de trafiquants où ils venaient échanger des peaux », rappelle-t-il.

Il dit espérer qu'un acquéreur québécois se manifeste. « Il est vrai qu'on a eu un intérêt immédiat venant de la Chine. Mais je serais plus à l'aise si les nouveaux propriétaires connaissaient l'île. Son histoire est importante. Mais on verra. »