Le ministère des Transports du Québec retarde depuis près d'un an l'attribution d'un contrat pour remplacer un pont de béton qui présente des « défauts créant un danger très important pour les usagers » dans l'île Charron, à Longueuil, à quelques centaines de mètres seulement du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Plus de 130 000 automobiles et camions qui se dirigent vers Montréal par le tunnel, ou qui en arrivent, sur l'autoroute 25, passent tous les jours sous cette structure routière construite il y a 50 ans, qui montre des « défauts réduisant la capacité de façon importante ».

En mars 2015, le MTQ a lancé un appel d'offres pour la réalisation d'un « avant-projet définitif et des plans et devis » en vue de la réfection ou du remplacement éventuel du pont. Onze mois plus tard, le contrat n'a toujours pas été attribué, parce que le Ministère ne sait pas encore ce qu'il fera de cette structure.

Entre-temps, le pont de la rue de l'Île-Charron a été inspecté le 2 décembre dernier. Le rapport d'inspection, accessible sur le site internet du Ministère, fait état à maintes reprises de déficiences présentant un danger « appréciable » ou « très important » pour les usagers de la route, notamment sur une des culées du pont.

Le rapport note également que le mauvais alignement de deux glissières de sécurité en béton crée un « danger appréciable » et que la mauvaise conception de la glissière, aux approches du pont, du côté sud, présente « un danger très important ».

Déplacement du mur

Sur le mur de front d'une des culées, l'inspection a révélé des « fissures allant jusqu'à 1,25 mm » de largeur et des éclatements de béton exposant l'armature interne d'acier de la structure. Les barres d'acier, qui percent » sous l'ancienne face désagrégée » de la culée, sont « corrodées et sectionnées ». Selon le rapport, il s'agit de « défauts créant un danger très important pour les usagers ».

Le rapport mentionne aussi qu'un mur d'aile (sur le côté) de la culée s'est déplacé de « 50 mm vers l'extérieur ». Le béton montre une « désagrégation très importante » qui expose des armatures corrodées et sectionnées par endroits. Ces dommages sont de nature à réduire « de façon importante » la capacité de la structure à supporter les charges, selon ce rapport d'inspection.

De longues fissures, allant jusqu'à 1 mm de largeur, sont aussi visibles sur des piles du pont. Sur des photos qui accompagnent ce rapport, on peut percevoir des plaques de béton manquant allant jusqu'à 14 mm de profondeur, sur un mur de béton couvert de fissures.

Au terme de l'inspection, un indice de condition générale (ICG) de 1 a été attribué au pont de la rue de l'Île0Charron, la pire cote possible du système de gestion des structures du MTQ. Elle signifie que le pont « nécessite un remplacement »

En toute sécurité

Au ministère des Transports, la porte-parole Isabelle Buisson a insisté sur le fait que malgré le ton inquiétant de ce rapport, le pont de la rue de l'Île-Charron reste sûr, « autant pour ceux qui circulent sur le pont que pour ceux qui circulent en dessous ».

Mme Buisson a indiqué que les dommages relevés lors de l'inspection du 2 décembre sont concentrés sur une culée du pont, et que la fonction de la culée est surtout de retenir le talus sur lequel le pont est construit, et non de soutenir le pont lui-même. Le rapport, ajoute la porte-parole, fait état « de plusieurs éléments du pont qui arrivent en fin de vie utile, mais qui ne sont pas des éléments déterminants pouvant mettre en jeu la sécurité du pont ».

« La capacité portante de cette structure demeure adéquate. Le pont est sécuritaire pour les usagers. Le MTQ va fermer toute structure routière sans délai s'il existe le moindre doute qu'elle peut représenter un danger pour les usagers », a dit Isabelle Buisson, porte-parole du ministère des Transports

Mme Buisson a confirmé qu'« il y a eu un tassement de mur de quelques centimètres [50 mm, selon le rapport] sur une culée », mais que cette déficience n'affecte pas la capacité de la structure à supporter les charges.

130 000 véhicules par jour

Il ne faut pas confondre le « pont de la rue de l'Île-Charron » et le pont de l'île Charron. Ce dernier, un pont majeur de la région métropolitaine, relie cette petite île du fleuve Saint-Laurent à la Rive-Sud, sur l'autoroute 20/25, et sert en quelque sorte de porte d'entrée au tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Le pont de la rue de l'Île-Charron n'est pour sa part qu'un pont local à deux voies de circulation de 70 m de longueur, qui relie les rues locales de l'île Charron à l'autoroute 25. Il n'est pas très fréquenté. L'île est inhabitée. On n'y compte qu'un grand parc municipal et quelques bâtiments, dont un hôtel et une centrale d'épuration des eaux.

Selon le site internet du MTQ, un peu plus de 2000 véhicules utilisent chaque jour le pont de la rue de l'Île-Charron, en moyenne, toutes directions confondues, dont 1 % sont des camions.

Il surplombe toutefois l'autoroute 25, qui alimente le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Les 130 000 véhicules qui entrent et qui sortent chaque jour du tunnel doivent donc tous passer sous ce vieux pont à l'avenir incertain.

Le MTQ ne sait pas encore ce qu'il fera du pont

Le MTQ n'a toujours pas attribué le contrat d'avant-projet de mars 2015, parce qu'il ne sait pas encore avec certitude ce qu'il fera du pont de la rue de l'île Charron. Selon la porte-parole du Ministère, Isabelle Buisson, des « analyses de solutions » sont toujours en cours, plus de 10 mois après l'ouverture des soumissions, pour déterminer si le pont actuel fera l'objet de grands travaux de réfection ou s'il sera tout simplement remplacé par un nouvel ouvrage. Sept entreprises d'ingénierie avaient présenté une offre de service pour réaliser cet « avant-projet définitif ». Il s'agissait de soumissions sans prix, où la qualité de l'offre de service est le principal critère de choix pour l'attribution du contrat. C'est SNC-Lavalin qui a obtenu le mandat, dit Mme Buisson. « Quant à savoir si on va réparer le pont actuel ou en construire un nouveau, ce n'est pas encore décidé, dit-elle. On ne peut donc pas attribuer le contrat tant qu'on n'aura pas défini la nature du mandat. Les observations du rapport d'inspection du 2 décembre seront prises en considération dans le choix de l'intervention du MTQ », prévue au cours de l'année 2017.