Le gouvernement Couillard souffle le chaud et le froid sur le sort qui attend le projet de cimenterie de Port-Daniel-Gascons, en Gaspésie.

Les ministres Carlos Leitao et Jacques Daoust ont fait savoir mardi qu'ils préféraient attendre la révision du plan d'affaires concocté par l'ancien gouvernement péquiste avant de se prononcer pour la suite des choses. Leur collègue de l'Environnement, David Heurtel, a cependant rappelé que le Parti libéral s'était engagé à donner le feu vert au projet.

En janvier dernier, le gouvernement précédent a consenti un prêt garanti d'environ 250 millions $ pour le projet du promoteur Ciment McInnis, dirigé par Laurent Beaudoin, du géant Bombardier. À cela s'ajoutent l'injection de 100 millions $ d'Investissement Québec et un apport d'une centaine de millions $ de la Caisse de dépôt et placement.

Le projet, dont la valeur est estimée à 1 milliard $, doit créer environ 400 emplois au terme de la phase de construction qui en principe devrait débuter dans les prochaines semaines.

En point de presse à l'entrée d'une réunion du caucus libéral, le ministre Leitao des Finances a joué de prudence, refusant de se commettre.

«On verra bien. Cela a été discuté par le gouvernement précédent, il y a eu un engagement de la part du gouvernement (actuel), on a demandé à revoir le plan d'affaires et c'est ce qu'on va revoir. (...) La décision suivra», a-t-il dit.

Sans plus d'enthousiasme, le ministre de l'Économie, Jacques Daoust, a dit vouloir au préalable «être rassuré» sur les risques financiers que devra assumer le gouvernement du Québec s'il plonge dans l'aventure.

«Je n'ai pas arrêté le projet. Ce que j'ai dit, c'est que je veux être rassuré», a fait valoir le ministre devant un groupe de reporters.

«Il y a toujours des risques associés à ces projets-là et il faut s'assurer (qu'avec) le montage financier, le gouvernement du Québec ne sorte pas perdant dans ça», a-t-il précisé.

Le ministre Heurtel n'a pas exprimé les mêmes réserves. Il a plutôt rappelé l'engagement du gouvernement en faveur du projet.

«Le projet a reçu déjà une série d'autorisations, il y en a d'autres à venir et comme vous le savez, c'est la position de notre gouvernement d'aller de l'avant avec ce projet», a-t-il soulevé.

Entre-temps, quelques dizaines de travailleurs du ciment ont profité de la rentrée parlementaire à Québec pour manifester leur opposition ferme au projet de Port-Daniel.

Bétonnières bien en vue devant l'Assemblée nationale, les manifestants ont interpellé le gouvernement libéral pour qu'il retire ses billes.

Les travailleurs de Ciment Lafarge, de Saint-Constant, Holcim, de Joliette, Ciment-Québec, de Saint-Basile-de-Portneuf, et Colacem, de Grenville-sur-la-rouge, redoutent la concurrence de la future cimenterie gaspésienne.

Alors que le marché est saturé, le gouvernement s'apprête à allonger presque un demi-milliard de dollars pour un projet de la famille Bombardier, a dénoncé le représentant du syndicat des Métallos, Pierre Arseneau.

«C'est un projet qui date d'une vingtaine d'années à peu près et jamais personne n'a voulu investir de l'argent, parce que ce n'est pas solide, autrement qu'avec l'aide du gouvernement. On donne un demi-milliard là-dedans. Si Bombardier est si sûr que ce projet-là est porteur, qu'il investisse de son propre argent, qu'on ne crée pas une compétition déloyale», a-t-il lancé pendant la manifestation.

Les représentants des travailleurs se demandent aussi pourquoi le projet de Port-Daniel échappe à l'examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), d'autant plus que la cimenterie utilisera du coke de pétrole, un produit très polluant.