Le tuteur de la Ville de Laval, Florent Gagné, estime que son mandat lui permet de créer une nouvelle structure administrative au sein de la municipalité puisque cela n'a rien à voir, selon lui, avec une orientation à caractère politique.

S'opposant à la volonté de la mairesse de Laval, Martine Beaugrand, et du comité exécutif de remettre cette responsabilité entre les mains de la prochaine équipe politique qui sera élue le 3 novembre, le tuteur a décidé d'imposer la création d'un service de communications d'ici le scrutin. M. Gagné a refusé d'expliquer de vive voix sa décision à La Presse, et compte tenu du déclenchement des élections, il va s'abstenir de tout commentaire public. Il s'en est donc remis à l'attachée de presse de la Commission municipale du Québec (CMQ), Sylvia Morin, qui affirme que la justification se trouve dans la loi.

Une municipalité en défaut

Ainsi, le tuteur peut agir lorsque la «municipalité refuse ou néglige de faire exécuter» une commande de la CMQ. Cet article (48d) de la Loi sur la Commission municipale du Québec fait référence à une municipalité déclarée en défaut. Or, lorsque la tutelle a été décrétée le 3 juin dernier, Laval n'était pas en défaut; elle percevait les taxes, rendait les services, prenait des décisions, son conseil était fonctionnel et elle payait ses comptes.

La décision du tuteur entraînera l'embauche de plusieurs fonctionnaires d'ici les élections. Le service des communications, en remplacement du lucratif contrat dont bénéficiait le cabinet de relations publiques National, était un projet planifié par l'ancienne administration lavalloise.

Manque de confiance

La mairesse Beaugrand estime qu'il «n'est pas souhaitable» que le tuteur agisse sans prendre en compte le vote des Lavallois. «Avec la tutelle, on voulait rassurer la population, mais on est peut-être en train d'entacher le processus démocratique, d'affaiblir le rôle des élus et de dire qu'on n'a pas confiance dans la capacité des électeurs de faire un choix éclairé», a affirmé Mme Beaugrand.

Cette dernière a alerté Florent Gagné, l'été dernier, puis le cabinet du ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, ainsi que le sous-ministre. La réponse demeure toujours la même, soit que la CMQ a tous les pouvoirs, indique la mairesse en soulignant qu'il s'agit d'un «sujet délicat».

La colère gronde

Cette situation s'ajoute à la décision du tuteur de poursuivre son mandat après le scrutin municipal et d'accélérer l'embauche de hauts fonctionnaires, dont le directeur général, d'ici là. Mme Beaugrand n'est d'ailleurs pas seule à exprimer du mécontentement.

La candidate à la mairie et chef du parti Option Laval, Claire Le Bel, considère que Florent Gagné dépasse son mandat. «Son rôle n'est pas de transformer la ville, mais de la gérer en attendant qu'il y ait une nouvelle équipe élue. [...] Le tuteur doit mettre en place les mesures pour permettre à la démocratie de s'exprimer de nouveau, sinon c'est un pied de nez à la démocratie», a-t-elle commenté.

Inquiète, Mme Le Bel a téléphoné vendredi au cabinet du ministre des Affaires municipales sans recevoir de réponse pour l'instant. «Les événements laissent entrevoir une prise de contrôle du gouvernement», a-t-elle laissé tomber.

Robert Bordeleau, du Parti au service du citoyen, a joint vendredi sa voix à celles de ses adversaires qui qualifient d'inadmissibles les gestes du tuteur. «Le ministre devrait mettre le holà!», a-t-il dit avant d'ajouter: «On va faire des pressions. Le gouvernement ne se préoccupe pas de ce qui se passe à Laval en s'en remettant au tuteur parce qu'il est concentré sur sa propre élection.»