Plus du tiers des logements sociaux que comptent les Immeubles Val-Martin, à Laval, ont été désertés, notamment en raison de graves problèmes de moisissures. La mise en oeuvre d'un nébuleux plan de revitalisation se fait attendre depuis des années, au détriment des locataires qui restent et des nombreux Lavallois à faible revenu qui voudraient bénéficier d'un logement social.

Plus de 1000 ménages sont actuellement sur la liste d'attente d'un logement social à Laval, certains depuis plus de trois ans, selon le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Or, plus du tiers des logements des Immeubles Val-Martin - un des plus imposants complexes à vocation sociale de l'île Jésus - sont vacants, certains depuis plusieurs années, a constaté La Presse.

Les raisons d'une telle désertion: de graves problèmes causés par les moisissures et l'amiante, mais surtout l'attente de rénovations majeures prévues dans un vaste mais nébuleux projet de revitalisation, dont les grandes lignes et les budgets sont attendus depuis maintenant six ans.

L'organisme sans but lucratif (OSBL) qui gère les Immeubles Val-Martin depuis 1999, la Corporation d'habitation Laval (CHL), dit avoir les mains liées puisque c'est la Société d'habitation du Québec (SHQ) qui est propriétaire de cette enclave de misère datant des années 50, située au carrefour des boulevards du Souvenir, Perron, Chomedey et Labelle.

La gestion de l'endroit comporte plusieurs lacunes, à commencer par le traitement réservé aux locataires de ce qui commence à ressembler à un village fantôme.

En date du 1er avril, 186 logements étaient vacants. Même si aucun nouveau locataire ne peut y signer de bail depuis 2007, 332 logements sont toujours occupés. Une enquête menée en 2008 par la Direction de la santé publique de Laval (DSP) a conclu à un problème généralisé de moisissures. «Les logements sont tous touchés, mais à des degrés différents», reconnaît le patron de la CHL, André Dénommée, aussi directeur général de l'Office municipal d'habitation de Laval.

Il dit qu'il ne peut mesurer l'ampleur des problèmes liés aux moisissures, faute de budget pour mener des inspections dans l'ensemble du parc locatif. «On reçoit environ 2 millions par année de la SHQ, on fait ce qu'on peut avec», plaide M. Dénommée, qui estime qu'une revitalisation complète coûterait environ 80 millions de dollars.

En dépit des apparences, la SHQ assure que des travaux de rénovation sont en cours. «On a investi 15,6 millions de 2007 à 2012. Un budget de 1,5 million est consacré aux travaux pour l'année en cours», explique la porte-parole Alexandra Paré.

Impossible toutefois de savoir où va l'argent et en quoi consiste le plan de revitalisation. «Il n'y a rien de déterminé pour le type de construction prévu, mais on veut maintenir le volet social et conserver les 534 logements abordables», assure Mme Paré.

Elle précise que, s'il n'y a toujours pas d'échéancier précis des travaux, c'est parce que des négociations se poursuivent, notamment avec la Société canadienne d'habitation et de logement (SCHL), pour le financement de la remise en état du parc immobilier.

De son côté, la Direction de la santé publique de Laval s'interroge sur la capacité de la CHL à mener à bien les travaux nécessaires.

En plus des moisissures généralisées, l'enquête de 2008 a révélé que les vices de construction (notamment l'absence de drain français dans tout le parc de logements) sont tels qu'ils nécessitent des travaux à grande échelle.

Mandaté en 2008 pour enquêter sur l'état des Immeubles Val-Martin, le directeur médical adjoint de la DSP, le Dr Claude Prévost, a recommandé, en vain, des inspections systématiques chaque année pour évaluer la détérioration du parc immobilier. La CHL n'aurait jamais donné suite à cette recommandation au motif qu'une solution globale est à venir et qu'elle manque de fonds. La DSP a depuis rencontré à plusieurs reprises la CHL, qui demeure évasive au sujet des travaux.

Une autre rencontre est prévue en mai.

Pour l'heure, le DSP mène des actions ponctuelles auprès des locataires, en plus d'avoir mis à leur disposition une ligne téléphonique d'urgence.

La SHQ assure pour sa part qu'elle fait le nécessaire pour suivre les recommandations de la DSP. «Une cinquantaine de ménages ont été relogés et d'autres le seront sous peu», souligne la porte-parole de l'organisme, Alexandra Paré.

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LAVAL ET LE LOGEMENT EN CHIFFRES

3 ans Temps d'attente moyen avant d'avoir un logement social à Laval en 2010

1134 Nombre de locataires en attente d'un logement social ou d'un supplément au loyer en 2012

2738 Nombre de logements sociaux, communautaires et abordables à Laval en 2012

0,3% Proportion de logements sociaux, communautaires et abordables pour la population lavalloise en 2012

58 000 Nombre de résidants sous le seuil du faible revenu à Laval en 2010

15% Proportion de Lavallois sous le seuil du faible revenu

31% Proportion des résidants de Laval qui sont locataires

37% Pourcentage des ménages locataires de Laval qui consacrent plus de 30% de leur revenu pour se loger en 2006

70% Pourcentage du revenu que payent certains Lavallois pour se loger

675$ Coût moyen d'un logement à Laval en 2012

4% Proportion de logements sociaux du parc locatif lavallois

45 Nombre de logements locatifs construits en 2012

879 Nombre de condos construits en 2012

400 000 Population de Laval en 2012

2000 Nombre de logements sociaux que le milieu communautaire aimerait voir construire à Laval d'ici 5 ans

Source: SHQ et FRAPRU

* Simon-Paré Poupart, collaboration spéciale