Inquiets pour la sécurité de leurs enfants et de ceux des voisins, un groupe de parents d'une petite ville de Montérégie mène une véritable guerre d'usure pour faire changer un règlement qui les empêche d'installer une clôture de plus de 1 mètre sur leur terrain. La clôture permise est bien trop basse, disent-ils, pour empêcher un enfant de se faufiler. La succession de noyades des derniers mois dans des piscines résidentielles leur fait craindre le pire.

«Ma fille de 2 ans grimpe sur toutes les chaises. Ce n'est pas une petite clôture qui va l'arrêter», lance Eliza Costache, qui vit avec son conjoint et leur fille dans le quartier Haut-Chambery, aux Cèdres. Avec une vingtaine d'autres habitants du secteur, le couple a déclaré la guerre à la municipalité, dont un règlement interdit aux propriétaires de certaines maisons situées en coin de rue d'installer une clôture de plus de 3 pieds de hauteur sur le côté du terrain qui donne sur le trottoir.

Des raisons esthétiques

La mairesse Géraldine T. Quesnel invoque des raisons esthétiques. «On n'est pas pour mettre des palissades de 6 pieds partout, dit-elle. C'est une belle ville ici, les maisons sont coquettes et les gens sont fiers de leur environnement. On ne changera pas ça pour des considérations personnelles et aux dépens de tous les autres résidants. On reçoit autant de plaintes contre les clôtures qu'en leur faveur.»

Plusieurs citoyens voient pourtant la règle comme une réelle menace à la sécurité. «C'est dangereux, rage Lina Gagnon. Les enfants peuvent entrer ou sortir des cours sans aucune difficulté. Plusieurs personnes ont de petites piscines gonflables ou des spas à la vue de tous. C'est attirant pour les jeunes et c'est bien assez d'eau pour qu'un enfant s'y noie», croit la femme, elle aussi maman d'une fillette de 2 ans.

Stéphanie Bernard, autre résidante, partage cette inquiétude. Depuis deux ans maintenant, elle tente d'obtenir un permis afin de faire construire une clôture de 6 pieds autour de son terrain. En attendant, sa nouvelle piscine hors terre, qui surpasse toutes les normes de sécurité, est facilement accessible pour les jeunes du quartier. Comme l'est toute sa cour, dit-elle. «L'autre jour, j'ai trouvé deux enfants à deux pas de la piscine, dit-elle. Et une autre fois, une petite fille de 4 ans toute seule dans la glissoire de mon fils. Ça n'a pas de sens!»

Les trois femmes s'inquiètent aussi de l'accès facile à la rue. «Ma fille monte partout. Ce n'est pas un petit mètre qui va l'arrêter», dit Lina Gagnon. Stéphanie Bernard en remet: «Mes amis ne veulent même plus venir souper chez moi parce qu'on passe notre temps à courir derrière les petits.» Eliza Costache, elle, est préoccupée par les chiens. «Tout le monde en possède dans le quartier. Et avec des clôtures si basses, rien n'empêche les enfants d'essayer de les flatter sans savoir s'ils sont dangereux.»

Règlement défié

Après d'intenses négociations, la Ville a accepté il y a quelques mois d'adoucir la règle et de permettre aux propriétaires dont la cour donne sur celle d'un voisin d'installer des clôtures plus hautes. Mais une dizaine de propriétés qui n'ont pas de voisin ou dont la cour donne sur le côté de la maison voisine n'y ont pas droit.

Comme elles n'arrivent pas à obtenir de dérogations - la Ville dit ne pas en donner -, Mmes Gagnon et Costache ont tout simplement défié le règlement et fait installé des clôtures de 6 pieds. Toutes deux ont reçu des contraventions de 434$ qu'elles contestent devant les tribunaux.