L'étalement urbain s'est accéléré dans la région de Montréal depuis cinq ans, permet de constater le recensement 2011, dévoilé mercredi matin. Pour la première fois dans la métropole, plus d'une personne sur deux vit à l'extérieur de l'île.

Sur papier, la croissance de la population de la région de Montréal (5,2%) de 2006 à 2011 se rapproche de la moyenne nationale. Mais en y regardant de plus près, on constate que l'augmentation de la population dans la ville de Montréal est beaucoup plus faible, à 1,8%. Le phénomène a touché toute l'île puisque les municipalités reconstituées au lendemain des défusions ont connu une croissance anémique de 1,4%.

C'est plutôt en banlieue que l'augmentation de la population s'est accélérée de 2006 à 2011. La Rive-Sud et la couronne nord de Montréal ont vu leur population augmenter de 8,8%. Du coup, pour la première fois, la région compte désormais davantage de résidants vivant à l'extérieur (1 937 740) que dans l'île (1 886 481).

La banlieue a réussi à doubler Montréal en attirant cinq fois plus de nouveaux habitants depuis 2006. Les 75 villes entourant l'île ont vu leur population augmenter de 156 611 personnes, contre 28 826 pour Montréal.

C'est Laval qui a séduit le plus de nouveaux résidants. À elle seule, la ville du maire Gilles Vaillancourt a d'ailleurs réussi à attirer davantage de citoyens depuis cinq ans que toute l'île de Montréal. La population de l'île Jésus se chiffre désormais à 401 553 personnes.

De plus en plus loin

Statistique Canada note que la population s'établit de plus en plus loin de Montréal. «Avant, on voyait les quartiers en bordure du Saint-Laurent et de la rivière des Mille Îles se développer rapidement, mais leur croissance a ralenti depuis cinq ans. L'étalement se poursuit maintenant plus loin des frontières de Montréal, aux limites de la région», expose Laurent Martel, principal analyste de Statistique Canada.

Plusieurs municipalités éloignées ont en effet affiché les plus fortes croissances. Sainte-Marthe-sur-le-Lac, dans les Laurentides, a ainsi vu sa population augmenter de plus du tiers (38,7%) en cinq ans. Même les municipalités pourtant loin des principaux axes routiers, comme Saint-Amable sur la Rive-Sud ou Saint-Colomban au nord, ont vu leur population exploser.

Cet étalement pourrait même mener Statistique Canada à élargir encore la région de Montréal, qui s'étend pourtant déjà dans un rayon de 70 km autour de l'île. Une municipalité s'ajoute en effet automatiquement à une région de recensement quand plus de la moitié de sa population s'y déplace quotidiennement pour le travail.

La Ville de Montréal reconnaît que les chiffres sont inquiétants puisque le poids de Montréal vient de chuter sous la barre des 50% au sein de sa propre région, constate Guy de Repentigny, de la Direction du développement économique et urbain. Celui-ci espère que le plan de développement adopté récemment par l'ensemble des villes de la Communauté métropolitaine de Montréal permettra de freiner l'étalement urbain.

Le géographe Claude Marois, qui suit les recensements depuis 1961, croit toutefois que les outils conçus pour mettre fin au phénomène s'avèrent inefficaces. «On est tous contre l'étalement urbain, mais on a peu de moyens pour le contrer. Et parfois, les moyens avancés ne sont pas les plus efficaces», constate le professeur de l'Université de Montréal. Selon lui, la hausse du prix des transports, à commencer par les carburants, risque d'avoir davantage d'impact.

La chef de l'opposition à Montréal, Louise Harel, estime qu'il revient au gouvernement provincial de donner les outils à la métropole pour contrer l'étalement. Estimant que la situation est d'abord une crise d'habitation, elle compte sur la nouvelle mouture de la loi sur l'urbanisme pour offrir aux villes la possibilité d'imposer aux promoteurs la grandeur des logements à construire. «C'est ça le grand problème en ce moment. Essayer de chercher un logement avec trois chambres à Montréal, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Ce n'est pas pour rien qu'une famille sur deux quitte Montréal dès qu'elle a un deuxième enfant.»

Le chef de la deuxième opposition, Richard Bergeron, accuse le maire Gérald Tremblay d'avoir abdiqué devant l'exode des jeunes familles vers la banlieue. «Pour moi, ces chiffres sont une cruauté. C'est le prix à payer pour l'incompétence à la tête d'une ville. On aurait pu éviter ce basculement en faveur des banlieues, mais à cause de Gérald Tremblay, on assiste aujourd'hui à un affaiblissement politique de Montréal», déplore l'urbaniste de formation.

Ailleurs au Québec

Deuxième région en importance de la province, Québec a le vent dans les voiles. En comptant sa banlieue, sa population se chiffre désormais à 765 706 personne. Sa croissance s'est accélérée entre 2006 et 2011 pour atteindre 6,5%, alors qu'elle était de 4,2% au dernier recensement.

Le même phénomène d'étalement urbain touche Québec, mais dans une moindre envergure que dans la métropole. La capitale a vu sa population croître de 5,2%, contre 9,2% pour sa banlieue immédiate.

Au nord de Québec, le recensement 2011 réserve également une bonne nouvelle pour Saguenay. Après avoir vu sa population diminuer entre 2001 et 2006, la ville du maire Jean Tremblay a renoué avec la croissance. Cette hausse reste néanmoins modeste, à 0,7%, et n'efface pas complètement les pertes encaissées au tournant du millénaire.