Les familles qui voient l'un de leurs membres touché par une maladie liée à l'exposition à l'amiante doivent souvent livrer une difficile bataille pour obtenir compensation alors qu'ils sont plongés en pleine tourmente.

Francine Therrien l'a découvert après que son mari, Serge Gagnon, un enseignant de carrière, eut appris qu'il avait un mésothéliome, en 2002.

Inquiet de ressentir une douleur au poumon droit, il décide de consulter. Le choc ressenti à l'annonce du résultat des tests est «épouvantable» et laisse le couple, qui a quatre enfants, en pleine confusion.

«Les médecins nous ont demandé à plusieurs reprises si Serge avait travaillé dans l'amiante sans expliquer pourquoi. On n'a pas posé la question car on ne faisait pas le lien dans un premier temps», relate-t-elle.

Bien que les chances de survie soient faibles, l'enseignant entreprend une chimiothérapie difficile. «Si c'était à refaire, je ne le referais pas. Le traitement l'a énormément affaibli», relate Mme Therrien, qui réside à Sainte-Anne-des-Plaines.

«Il n'est jamais retourné à l'école jusqu'à sa mort l'année suivante. Ç'a été terrible pour lui», ajoute-t-elle.

Tout en tentant tant bien que mal de composer avec la maladie, la famille entreprend des recherches et s'aperçoit que le milieu de travail de l'enseignant, mort à 53 ans, est la source possible de l'affection.

Mme Therrien obtient un rapport indiquant que plusieurs écoles de la commission scolaire pour laquelle travaillait son mari, sur la couronne nord de Montréal, comportaient des flocages d'amiante.

Une demande d'indemnisation pour maladie professionnelle est présentée à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Un premier comité reconnaît un lien entre la maladie de M. Gagnon et son exposition à l'amiante présente dans une école où il a travaillé de 1983 à 1984.

Une indemnisation est prévue, mais la victoire est de courte durée. Un mois après ce premier avis, un comité d'experts conclut que l'exposition au produit cancérigène a été «très minime et de courte durée». Il n'est pas possible, dans ce contexte, d'établir un lien de causalité. Une révision subséquente confirme la décision.

«Serge était choqué qu'on ne reconnaisse pas que sa maladie venait de son milieu de travail. À la fin de sa vie, on évitait d'en parler, ça le mettait en furie», souligne Mme Therrien.

Après la mort de l'enseignant en mars 2003, une autopsie est pratiquée. Le comité d'experts réitère moins d'un an plus tard que le lien entre la maladie et le travail de la victime ne peut être établi.

Avec l'aide de la Centrale des syndicats du Québec, Mme Therrien tente d'obtenir des avis d'experts pour porter la décision en appel, mais renonce finalement.

La tâche s'annonce trop difficile et la veuve a fort à faire pour s'occuper seule de ses quatre enfants. Le paiement d'une somme substantielle liée à une assurance-vie que son mari avait contracté 10 ans plus tôt lui permet de se maintenir à flot.

Bien qu'elle ait renoncé aujourd'hui à ses efforts pour faire reconnaître la nature professionnelle de la maladie de son mari, la femme de 56 ans repense souvent à sa fin tragique et continue de se demander qui est ultimement responsable.

«J'ai fait la paix avec ça pour préserver ma santé mentale, mais je demeurerai dans le doute toute ma vie», souligne Mme Therrien.