Le Dr Jacques Turgeon, directeur du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), est heureux de constater que le centre de recherche construit au coût de 470 millions prend forme et qu'il sera inauguré dans les délais, c'est-à-dire en septembre prochain. L'idée, affirme-t-il, est de concurrencer les chercheurs de la clinique Mayo et de Cleveland, aux États-Unis, ainsi que ceux de Singapour.

Son plus grand défi consiste maintenant à garder ses bons chercheurs et à recruter d'autres «vedettes» de la recherche. «Un édifice vide, ça ne servira à rien», explique le Dr Turgeon, en montrant du doigt les futurs îlots de travail des chercheurs.

Les ascenseurs ne sont pas encore fonctionnels, et il faut donc souffler un bon coup pour grimper les huit premiers étages jusqu'aux laboratoires. Mais l'ascension en vaut la peine. Il y aura au total 75 laboratoires ultramodernes, tous reliés, qui accueilleront près de 400 chercheurs. Au quatrième étage, la construction d'une unité d'hospitalisation pour tester de nouveaux médicaments ou protocoles de traitement sur des patients - comme pour la sclérose en plaques - est presque achevée.

Au moment où La Presse a visité les lieux, il y a quelques jours, des experts de l'Italie s'affairaient au sous-sol de l'imposant édifice de 14 étages à installer un cyclotron de marque belge. La production des isotopes utilisés en médecine nucléaire servira d'abord au CHUM, mais pourra éventuellement s'étendre à d'autres patients à l'extérieur des murs de l'hôpital. Si le CHUM a pu se payer ce cyclotron, c'est grâce à un mécène - pour l'instant anonyme - qui a versé 1,5 million pour l'achat de l'imposante machine.

«Mais, explique le Dr Turgeon, on a une réserve de 0$ dans notre fonds de démarrage en recherche. En comparaison, l'Université Harvard a 30 millions dans ses coffres. À l'heure actuelle, je fonde mes espoirs dans l'obtention d'une somme de 10 millions de la chaire fédérale qui doit servir à recruter des chercheurs à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Mais mon objectif ultime, c'est d'avoir 30 millions provenant de dons privés pour constituer notre fonds de dotation.»

Dans ce contexte, le Dr Turgeon mène un combat pour garder les chercheurs de talent au centre universitaire de santé francophone. «Nos meilleurs ont constamment des offres, et nos moins bons, on aimerait qu'ils en reçoivent», dit-il à la blague. Il est tout de même fier de dire que grâce à la collecte de fonds «Le Grand Labo», il est parvenu l'an dernier à verser deux bourses de 15 000$ à des chercheurs de haut niveau: le Dr Élie Abed, reconnu pour ses travaux dans l'évolution de l'ostéarthrose, et le Dr Elias Assaad, dont les découvertes portent sur les anévrismes de l'aorte abdominale.

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Mulroney monte au front pour la recherche

L'ancien premier ministre du Canada Brian Mulroney est retourné sous les projecteurs récemment afin de promouvoir sa nouvelle cause: la recherche francophone dans le domaine de la santé. Il a présidé le «Grand Labo 2012» du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qui a permis d'amasser 842 000$. Selon lui, il est impératif que les francophones accroissent leur culture philanthropique, à l'instar des communautés anglophone et juive.

«Ce n'est pas tellement dans nos moeurs, déplore l'ancien premier ministre. On a tendance à se tourner vers le gouvernement pour financer nos scientifiques. Pendant ce temps, la communauté juive fait quelque chose d'extraordinaire pour son centre de recherche, et c'est la même chose du côté des anglophones.»

Les francophones du Québec ne sont plus les mêmes depuis la Révolution tranquille, estime pourtant M. Mulroney. «On a maintenant quelques fortunes, comme les familles Molson, Péladeau, Desmarais ou la famille Chagnon. Mais on a encore du chemin à faire.»

En matière de financement de la santé, il estime enfin que le Québec devrait accoucher d'une nouvelle politique pour attirer les géants pharmaceutiques et les convaincre de rester ici. «Avec la fin des brevets sur les médicaments, il faut penser à autre chose, affirme-t-il. Parce qu'à l'heure actuelle, les grandes compagnies désertent le Québec.»

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Des chercheurs et du fric

> Aux États-Unis, les grandes universités offrent de 800 000$ à 1 million par année aux chercheurs-vedettes.

> L'Université de Toronto offre 75 000$ à un chercheur junior et 300 000$ à un chercheur senior.

> Au CRCHUM, on offre 25 000$ à un chercheur junior et 50 000$ à un chercheur senior.

Fonds américains constitués grâce à des mécènes

> Clinique Mayo: 1,6 milliard

> Scripps Research Institute: 120 millions

> Salk Institute for Biological Studies: 89 millions

> Howard Hughes Medical Institute: 16,1 milliards

> CRCHUM: 0$