«Ça fait 14 ans que je fais des soins à domicile en tant qu'infirmière clinicienne dans Montréal-Nord. La clientèle est lourde, démunie. Je peux vous dire que j'ai vu des restructurations de toutes les couleurs dans ma carrière. Mais je n'ai jamais rien vécu de tel. Je suis traitée comme une enfant, nous sommes infantilisés. J'ai l'impression de travailler sur une chaîne de montage de conserves de tomates», a raconté, la voix étranglée, une infirmière bachelière qui a demandé à ce qu'on ne révèle pas son identité.

Elle a expliqué que les patients paient un fort prix pour l'implantation de la méthode Proaction. «Je suis obligée de leur dire que je n'ai que 15 minutes à leur accorder. Je n'ai plus le temps de leur parler. J'ai constamment peur de me faire taper sur les doigts. J'ai une collègue qui a demandé une mutation de poste tellement c'est devenu invivable.»

Cette infirmière, comme une douzaine d'intervenants en santé à qui La Presse a eu l'occasion de parler, affirme que les directions des centres de santé ont coupé dans les heures de bains pour augmenter l'efficacité de leurs interventions. «Nous avons maintenant une liste d'attente pour que nos bénéficiaires obtiennent un bain une fois par semaine, a déploré l'une d'elles. C'est inhumain. J'en ai un présentement qui souffre de plaies au siège et il est sur la liste d'attente.»

Un intervenant social de Notre-Dame-de-Grâce a pour sa part expliqué que son équipe a bien essayé d'obtenir des changements, de faire réaliser à la direction que la grille n'est pas un bon outil. «On nous a dit qu'on en prenait bonne note, dit-il. Les mois ont passé, et on nous a annoncé que la grille serait désormais à l'horizontale au lieu d'être à la verticale. Mais c'est la même maudite grille.»

L'Agence de santé et des services sociaux de Montréal, qui doit en principe approuver les contrats signés par les CSSS, n'a pas répondu à la demande de renseignements de La Presse. Dans les différents CSSS, les directions n'ont pas commenté. Chez Proaction, le dirigeant, M. Lefebvre, parle «d'une résistance au changement» de la part du personnel, dans un contexte «de courbe émotionnelle» à la hausse.