Après 20 ans à la tête de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Gyslaine Desrosiers ouvrira son dernier congrès annuel lundi, sur le thème «Les solutions infirmières». Celle qui lui succédera sera élue dimanche au cours d'une assemblée générale des membres. Mais avant de quitter ses fonctions, Mme Desrosiers a l'intention de demander au nouveau ministre de la Santé, le Dr Réjean Hébert, de mettre au-dessus de sa pile de dossiers l'exigence d'un baccalauréat obligatoire pour les infirmières.

Lors d'un entretien avec La Presse, Gyslaine Desrosiers a tracé le bilan de ses années à la direction de l'un des plus imposants ordres professionnels du Québec. «Quand je regarde en arrière, je constate qu'avant, les infirmières ne pouvaient prendre aucune décision sans consulter le médecin. Aujourd'hui, elles peuvent prendre des décisions. Elles sont devenues des professionnelles de la santé à part entière.»

Selon elle, le lancement de la ligne Info-santé, l'arrivée des infirmières au triage dans les urgences et des infirmières dans les cliniques des CLSC ont joué un rôle important. Mais c'est l'adoption du projet de loi 90 en 2002, qui a nécessité 10 ans de négociations, qui a marqué un tournant dans la profession. Cette loi a permis de déléguer certains actes aux infirmières, comme celui de distribuer des anovulants (contraceptif empêchant l'ovulation) dans les écoles.

Nouveau personnel et baccalauréat

Le premier dossier auquel devra s'attaquer la prochaine directrice de l'Ordre, selon Mme Desrosiers, sera l'implantation d'infirmières praticiennes spécialisées (IPS) dans le réseau. Et d'obtenir le bac obligatoire. Actuellement, il n'y a que 153 IPS dans le réseau, et environ 150 aux études. Il n'y a pas d'entente pour qu'elles puissent pratiquer dans les urgences ou dans les centres hospitaliers de soins de longue durée.

«J'ai commencé à parler des IPS il y a 30 ans, rappelle Mme Desrosiers. Dans les autres provinces, elles sont bien implantées depuis des années. C'est l'une des solutions pour alléger le réseau. On pourrait en avoir des milliers et ça ne coûterait pas tellement plus cher. Vous savez, une IPS pourrait facilement voir 75% des cas, et ce, pour un salaire de 85 000$ par année. Ce qui est beaucoup moins que celui d'un médecin.»

La dirigeante de l'OIIS part avec le regret de ne pas être parvenue à une entente finale avec le gouvernement pour implanter le baccalauréat qui est devenu essentiel, selon elle, dans le contexte des soins de plus en plus pointus. Tout juste avant les élections provinciales, l'ancien ministre Yves Bolduc s'était engagé à présenter le projet au gouvernement cet automne. «On a obtenu l'appui de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Également, celui de la centrale syndicale CSN-FSSS. Il faut y voir parce qu'on ne verra pas les résultats avant 2019. Actuellement, seulement 35% de nos infirmières possèdent un bac, comparativement à 45% en Ontario. Il faut y voir parce que si ça continue, ce sont les médecins qui vont faire du nursing.»

Enfin, Mme Desrosiers quitte l'Ordre avec l'espoir qu'un jour, les infirmières obtiennent des pouvoirs accrus de prescription. Elle pense aux médicaments pour soigner les plaies, souvent dans le cadre de soins à domicile. Elle estime que les infirmières pourraient amorcer des traitements contre le tabac et prescrire certains médicaments à la suite d'analyses en laboratoire. «Vous savez, ce n'est pas une lubie de la part des infirmières, dit Mme Desrosiers. Elles ne veulent pas prendre la place des médecins. Il est clair qu'on va rencontrer beaucoup d'adversité, mais nous en sommes rendues là. Nous avons la confiance de la population. Les infirmières ne sont plus des substituts maternels au chevet des malades.»