En plus de devoir vivre avec la perte d'un être cher, la Dre Simone Guillon, médecin de famille de Verdun, s'explique mal pourquoi un répartiteur d'Urgences-santé a pu l'exhorter à arrêter des manoeuvres de réanimation cardiaque avant de raccrocher. Il aura fallu un deuxième appel au 911 avant qu'une ambulance arrive enfin sur les lieux, mais 15 minutes plus tard.

Sans pouvoir établir avec certitude un lien de cause à effet, il n'en demeure pas moins qu'Arnaud Ratel, 65 ans, par ailleurs en bonne santé, était déjà mort quand il est arrivé aux urgences de l'hôpital du Lakeshore. Ses funérailles ont eu lieu lundi après-midi, à l'église Saint-Viateur d'Outremont, en présence de ses trois enfants, Jean-Laurent, Charlotte et Laurence, encore sous le choc de cette mort subite.

L'homme d'affaires Arnaud Ratel est mort le 27 juillet dernier lors d'une fête au domicile de la Dre Guillon et de son conjoint, le Dr François Riendeau, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale. Mme Guillon avait invité M. Arnaud, ainsi que des proches et des membres de la famille, pour célébrer les 90 ans de son père et les 60 ans de mariage de ses parents.

Lors d'un entretien avec La Presse, la Dre Guillon a raconté que M. Arnaud s'est effondré sous les yeux de son neveu à la fin de la soirée. Rapidement, son conjoint et elle ont pris ses signes vitaux et constaté qu'il n'avait plus de pouls. Ils ont alors commencé les manoeuvres de réanimation cardiorespiratoire - qu'ils connaissent très bien.

Pendant ce temps, leur fils de 15 ans a suivi les consignes de ses parents et appelé le 911. Et c'est là que les choses se sont compliquées, affirme la Dre Guillon. «Mon fils a été avisé de nous dire de cesser les manoeuvres, ce que nous avons refusé, et nous avons insisté pour avoir une ambulance sur les lieux. Quand mon fils a insisté pour obtenir une ambulance, le répartiteur l'a accusé de ne pas coopérer et il lui a raccroché au nez», explique la médecin de famille.

Sous le choc, un ami de la famille a pris la relève de l'adolescent et rappelé les services d'urgence. «Après nous avoir menacé qu'aucune aide ne serait déployée sans notre coopération, des pompiers sont finalement arrivés, affirme la Dre Guillon. Quinze minutes s'étaient écoulées depuis le premier appel, selon l'information qu'on a pu retracer dans le téléphone portable. Le temps passe très lentement quand on fait un massage cardiaque, chaque minute nous a paru comme une heure dans l'attente d'aide.»

La Dre Guillon ne critique toutefois pas l'intervention des pompiers et des ambulanciers dépêchés sur les lieux. Au contraire. «Ils ont été compétents, mais aussi très humains, dit-elle. Il n'y avait plus rien à faire quand ils ont utilisé le défibrillateur, et il est difficile de savoir s'ils auraient pu sauver Arnaud.» Néanmoins, elle a porté plainte auprès d'Urgences-santé, dans l'espoir que cette situation ne se répète pas. «Je n'ose même pas imaginer ce qu'on aurait dit à des gens qui ne sont pas des médecins et qui connaissent toutefois les manoeuvres de réanimation.»

«Il y a des choses à rectifier»

Chez Urgences-santé, qui négocie présentement avec ses membres pour renouveler la convention collective, on a expliqué qu'un entretien téléphonique avec la plaignante était prévu aujourd'hui. «Il y a des choses à rectifier», a affirmé Stéphane Smith, porte-parole d'Urgences-santé, sans toutefois donner plus de détails. De son côté, Jean-Pierre Larche, porte-parole syndical des paramédicaux de la CSN, a assuré que ses membres ne compromettraient jamais la santé des usagers.

Richard Liebmann, chef de division responsable des premiers répondants au Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), a quant à lui expliqué que son service ne reçoit pas directement les appels.

«Quand il s'agit d'une priorité de niveau 1, donc quand la vie de quelqu'un est menacée, nous recevons l'information via un système électronique, avec l'information et l'adresse. Je ne peux donc pas vous dire ce qui s'est dit au téléphone. Mais en ce qui concerne nos temps d'intervention, nous répondons dans un délai de 7 min 59 s dans 92% des cas dans l'île de Montréal, et on a une moyenne de quatre minutes.»

Ironie du sort, le conjoint de la Dre Guillon projetait d'acheter un défibrillateur pour la maison quelques semaines avant le drame. «Nous n'avions pas encore procédé à l'achat, disons que c'est peu commun d'avoir un défibrillateur à la maison. Je ne peux pas vous dire s'il aurait fait la différence, on a l'habitude de compter sur les ambulanciers pour ce genre de soins d'urgence.»

La réanimation cardio-pulmonaire peut se pratiquer sur toute personne en état de mort apparente, si la personne est inconsciente, ou ne respire pas. Les gens qui ont suivi la formation pour l'administrer peuvent le faire sans problème, à moins qu'ils se sentent inaptes pour une raison ou une autre. Les médecins ont un devoir particulier inscrit dans la profession de ne pouvoir refuser de soins à une personne dans le besoin.