Les habitudes alimentaires des familles québécoises laissent à désirer: elles méritent à peine une note de 5,3 sur 10, selon une enquête menée auprès de 107 pédiatres de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal. Au fil des ans, seuls 8,4% de ces médecins n'ont pas observé de changements en matière d'alimentation chez les jeunes familles qui les consultent.

«Il y a plus d'enfants avec surpoids, manger est moins un plaisir qu'avant, a dit un pédiatre à la nutritionniste Maryse Lefebvre, qui présentera les résultats de son étude lundi au congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS). On mange pour vivre, rapidement, avec des plats préparés.» Résultat, près du quart des jeunes Québécois de 2 à 17 ans souffrent d'embonpoint ou d'obésité.

Bonne nouvelle: 74% des pédiatres croient détenir un rôle dans la transmission de connaissances en nutrition aux parents. «Le médecin est le seul interlocuteur en santé qu'ils ont», a noté l'un d'eux. Mais d'autres disent manquer de temps pour intervenir.

«Il est pertinent de savoir si, pour les médecins, l'alimentation est importante, a fait valoir Mme Lefebvre. Ce sont eux qui ont le dernier mot avec les parents, ceux qui, selon moi, ont le plus d'influence auprès d'eux.»

Alimentation routinière

Seuls 43,9% des pédiatres jugent que la qualité de l'alimentation est une priorité pour les familles qu'ils rencontrent. À peine 24% ont l'impression que les parents d'enfants de moins de 13 ans qu'ils rencontrent «ont les habiletés culinaires suffisantes pour manger sainement». L'alimentation des familles semble très routinière, peu savent apprêter les légumineuses, pourtant recommandées. Les parents consomment de trop grosses portions «et mangent des collations toute la journée», a témoigné un médecin.

«Il y a des machines distributrices partout où on va, on est constamment exposé au Coke, a observé Mme Lefebvre. Un médecin m'a parlé du syndrome de la bouteille: les parents ont tout le temps avec eux une bouteille de jus ou d'eau. Ils ont toujours une collation.»

Autre problème: 52% des médecins estiment «plus ou moins bon» ou «limité» le niveau de connaissances de base en nutrition de la majorité des parents. Le quart d'entre eux l'évalue comme étant «plutôt bon» (et 24% ont dit ne pas pouvoir le qualifier).

«Une mère m'a dit que son fils n'aimait pas le poisson, a illustré un pédiatre. Quand je lui ai demandé quelle variété elle lui donnait et comment elle le cuisinait, elle m'a répondu: Je donne des bâtonnets réchauffés au micro-ondes.»

Manque de temps et d'argent

Les principaux obstacles rencontrés par les familles pour manger sainement sont, d'après les médecins, le manque de temps et d'argent. «Ce sont les mêmes obstacles qui sont identifiés par les parents, a souligné Mme Lefebvre. Il peut y avoir des choses à faire, comme apprendre aux parents à manger pas cher sainement. Mais ça demande un suivi plus complet, pas 10 minutes de consultation.»

L'offre de malbouffe et le manque d'accès à des aliments sains sont aussi perçus comme des freins par 28% des pédiatres. «Le marketing de la malbouffe est très fort», a constaté la nutritionniste. Pour améliorer la situation, 33% des médecins souhaitent en priorité le retour des cours d'économie familiale à l'école, tandis que 28% veulent voir des choix d'aliments plus sains dans les cafétérias et lieux de loisirs.

«Les habiletés culinaires se perdent de génération en génération, a souligné Mme Lefebvre. Je pense que c'est un gros problème de société.»

Financée par Québec en forme, cette étude a été réalisée dans le cadre de Tout le monde à table, une initiative d'Extenso, le centre de référence sur la nutrition humaine de l'Université de Montréal.

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Ce qu'ils ont dit:

«La qualité de l'alimentation est une priorité pour les parents de nouveau-nés ou avant l'âge de 1 an, mais après, pas du tout.»

«Les gens ont peu de temps pour préparer eux-mêmes les repas. C'est sur l'alimentation qu'on gagne du temps.»

«Les parents cuisinent, mais ils se resservent et consomment de trop grosses portions. Ils mangent des collations toute la journée.»

«Il y a moins de repas en famille et plus de plats déjà préparés.»

«Les parents possèdent les connaissances sur la nutrition et l'alimentation, mais ne les appliquent pas - comme pour la cigarette.»

En chiffres

24% des 107 pédiatres interrogés ont l'impression que les parents d'enfants de moins de 13 ans qu'ils rencontrent «ont les habiletés culinaires suffisantes pour manger sainement»