Les étrangers qui passent les portes des hôpitaux du Québec puis repartent sans payer coûtent des millions au système de santé chaque année. Malgré l'accumulation de mauvaises créances, les établissements de santé affirment qu'il y a peu de solutions pour remédier à la situation.

Depuis 2007, six grands hôpitaux montréalais ont accumulé des soldes impayés de 36 millions, démontrent des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

La Presse a scruté les soldes impayés du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), de Maisonneuve-Rosemont, de Sacré-Coeur, de l'Hôpital général juif et de l'Institut de cardiologie pour la période de 2007 à 2012.

Le CUSM, qui regroupe six hôpitaux, arrive en tête de liste avec des créances de plus de 12 millions au cours des cinq dernières années. L'Hôpital général juif et l'hôpital du Sacré-Coeur suivent, avec 9,8 millions et 8,8 millions respectivement.

Les chiffres ne permettent pas de dégager une tendance claire. Les soldes impayés varient d'une année à l'autre dans chaque hôpital. La grande majorité des patients étrangers entrent dans les hôpitaux par les urgences. Les factures impayées touchent souvent les soins de traumatologie et, parfois, les naissances. Il faut préciser qu'on exige d'un patient qui ne réside pas au Québec deux fois la somme déboursée par un Québécois pour le même traitement.

«Afin de mettre ces chiffres en perspective, précisons que le CUSM est l'un des plus grands centres de santé de Montréal en matière de nombre de patients, avec 171 000 visites aux urgences l'an dernier, et la principale destination des patients non résidants compte tenu de sa réputation internationale, a expliqué la porte-parole de l'hôpital, Julie Robert. Les travailleurs du secteur de la santé ne refusent jamais de dispenser des soins susceptibles de sauver la vie d'un patient lorsque ce dernier ne présente pas ou ne peut pas présenter une carte de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). À titre d'exemple, si quelqu'un en vacances ici se rend au CUSM car il vient d'avoir un arrêt cardiaque, nous allons le traiter en espérant qu'il paie sa facture par la suite. La plupart le font, certains, malheureusement, ne le font pas.»

Mme Robert précise que pour prendre un rendez-vous pour une opération ou un traitement, le patient doit détenir une carte de la RAMQ valide.

En date du 25 janvier, le CHUM (Hôtel-Dieu, Notre-Dame, Saint-Luc) enregistrait des soldes impayés de 1,6 million. Contrairement aux autres chiffres fournis, ils remontent à maximum trois ans. Au total, 767 patients doivent actuellement de l'argent au CHUM.

La conseillère en communications du CHUM, Sylvie Robitaille, affirme que les médecins ont l'obligation de porter assistance à toute personne qui arrive en situation d'urgence à l'hôpital, peu importe son origine, et qu'il est donc difficile de faire baisser la note.

Elle affirme que la plupart des patients étrangers qui ont fréquenté le CHUM avaient un statut de touriste. «Pour récupérer les sommes dues, le CHUM fait des démarches à l'interne et, au besoin, il fait affaire avec une agence de recouvrement située au Québec, mais qui fait affaire à l'international. Chaque année, un bon nombre des sommes dues sont récupérées par le CHUM», dit-elle.

À l'Institut de cardiologie, on affirme que chaque année, environ 50% des patients étrangers parviennent à régler la note.

À l'Institut Philippe-Pinel, où l'on traite des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, cinq patients étrangers ont quitté l'hôpital sans payer depuis 2007, en laissant derrière eux une facture de 406 592$.

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Soldes impayés par des étrangers entre 2007-2012

Maisonneuve-Rosemont 2 841 866$

CHUM 1 630 689$ (les chiffres du CHUM couvrent seulement une période d'environ deux ans.)

Centre universitaire de santé McGill 12 614 355$

Hôpital général juif 9 762 386$

Hôpital du Sacré-Coeur 8 842 920$

Institut de cardiologie de Montréal 748 218$ (somme déterminée à partir d'une projection.)

Sources: documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information