Québec et Ottawa ne peuvent plus rester passifs devant les pénuries de médicaments, qui ont augmenté de façon exponentielle depuis cinq ans. L'Ordre des pharmaciens du Québec, le Collège des médecins, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec feront désormais «front commun» pour tenter de mettre fin à cette crise, qui a atteint une ampleur sans précédent il y a trois mois avec le ralentissement de production à l'usine de médicaments injectables Sandoz, à Boucherville.



Après un an de consultations, le Comité sur les ruptures d'approvisionnement en médicaments a déposé hier neuf recommandations qui visent à desserrer l'étau qui étrangle le système de santé lorsque des médicaments essentiels tombent en pénurie.

Le comité demande au ministre de la Santé, Yves Bolduc, de doter le Québec d'une entité pour coordonner les ruptures de stock. Une cellule de crise a déjà été mise sur pied cet hiver dans la foulée de la pénurie de médicaments injectables génériques fabriqués par Sandoz. Le comité souhaite que cette unité devienne permanente. La Food and Drug Administration, agence de santé publique américaine, a pu éviter 195 ruptures en 2011 grâce à une entité semblable. Seulement une dizaine de personnes y travaillent, a souligné Diane Lamarre, présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, ce qui rend le projet très réaliste à l'échelle du Québec.

Quelque 680 médicaments ont fait l'objet d'une pénurie au Québec en 2009, contre 442 en 2008 et 400 en 2007, rapporte l'Unité de recherche en pratiques pharmaceutiques.

Pénuries préoccupantes

«Les pénuries de médicaments se sont accrues en nombre, en durée et en gravité au cours des dernières années. La situation est devenue très tendue au cours des derniers mois, vu le grand nombre de médicaments injectables en rupture. Et c'est loin d'être terminé. Si les pharmaciens hospitaliers parviennent encore à fournir les traitements dont les patients ont besoin, c'est au prix de mesures tout à fait exceptionnelles. Des mesures qui ne devraient pas faire partie du quotidien des pharmaciens d'hôpital et du système de santé», a déclaré Charles Fortier, président de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.

Au fédéral, le Comité sur les ruptures d'approvisionnement en médicaments suggère au gouvernement d'adopter une loi pour forcer les sociétés pharmaceutiques à donner un préavis d'un an avant de cesser volontairement la production d'un médicament essentiel. Le fabricant devrait attendre l'accord des autorités avant de cesser la production d'un médicament essentiel ou à source unique. Santé Canada devrait par ailleurs avoir l'autorité de refuser la cessation de production ou de retarder la fermeture du lieu de fabrication.

«Le médicament sauve des vies, ce qui en fait un produit de consommation exceptionnel. Ce statut fait en sorte qu'il mérite aussi un encadrement législatif et organisationnel, ce qui n'est pas le cas actuellement, a expliqué Diane Lamarre. Les médicaments qui sont en rupture ne sont pas des médicaments de confort. On ne manque pas de Viagra! On manque de médicaments pour traiter le cancer ou d'antibiotiques essentiels.»

Dans plusieurs cas, le Québec dépend d'un seul fournisseur pour des médicaments jugés essentiels à la vie ou nécessaires au fonctionnement des salles d'opération ou des soins intensifs. «C'est un peu comme si on concentrait toute l'eau de la planète dans un endroit et que l'on se rendait vulnérables sur un bien aussi essentiel que cela. Aujourd'hui, il faut regarder le médicament comme un bien que l'on doit protéger.»