Les Canadiens doivent attendre en moyenne plus de deux ans avant de pouvoir se faire prescrire un nouveau médicament breveté. C'est beaucoup plus long qu'aux États-Unis et dans les pays de l'Union européenne. Au Canada, ce sont les patients du Québec qui ont accès au plus grand nombre de nouveaux médicaments.

Voilà les conclusions d'une étude menée par l'Institut Fraser intitulée Access Delayed, Access Denied que La Presse a obtenue en exclusivité. La recherche, qui sera rendue publique aujourd'hui, ne s'est pas penchée sur les médicaments génériques.

Avant d'être administré à un patient, un médicament doit être soumis à un processus réglementaire rigoureux mené par Santé Canada. Selon l'étude de l'Institut Fraser, ce processus a duré 527 jours en 2010 (une moyenne pondérée par type de médicament). Il s'agit d'une nette amélioration par rapport à 2004, alors que l'agence fédérale avait mis en moyenne 839 jours pour rendre les médicaments accessibles. En 2008, le délai a cependant été de 388 jours.

Depuis 2004, les États-Unis et l'Union européenne (voir tableau) font toutefois beaucoup mieux. En 2010, la médiane pondérée pour l'approbation d'un médicament par l'agence de santé publique américaine, la Food and Drug Administration, a été de 299 jours. Au Canada, elle a été de 437 jours.

L'approbation d'un nouveau médicament permet à un médecin d'avoir plus d'options thérapeutiques lorsqu'il traite un patient puisque les personnes ne réagissent pas toutes de la même manière aux molécules. Plusieurs groupes militent d'ailleurs activement pour demander l'ajout de certains produits sur le marché canadien, surtout pour le cancer.

Plus facile au Québec

Le remboursement des médicaments est géré par les provinces ou des assureurs privés. Au Québec, environ 3,4 millions de personnes sont couvertes par le régime public d'assurance médicaments administré par la Régie d'assurance maladie du Québec (RAMQ), soit environ 42% de la population.

Le ministre de la Santé du Québec décide quels médicaments seront remboursés par la RAMQ en se fiant à l'évaluation de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux du Québec, laquelle prend à elle seule généralement six mois.

En 2010, les provinces ont mis en moyenne 359 jours avant d'inscrire un nouveau médicament sur leurs listes de produits remboursables. Le chiffre est sensiblement le même au Québec.

En tenant compte du processus réglementaire de Santé Canada et des provinces, il s'écoule donc deux ans et quatre mois entre la demande d'évaluation d'un nouveau médicament et le jour où un médecin peut le prescrire.

Le régime d'assurance médicaments québécois est celui qui rembourse le plus grand nombre de nouveaux produits au Canada chaque année depuis 2004, révèle l'étude de l'Institut Fraser. De 26% à 50% des nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada ont été inscrits à la liste des médicaments remboursés par la RAMQ durant cette période. À l'échelle du pays, seulement 23% des nouveaux médicaments ont été déclarés remboursables par les provinces.

Selon l'analyse de l'Institut Fraser, 84% des nouveaux médicaments ont été remboursés par au moins un assureur privé durant la même période.

L'Institut Fraser est un organisme à but non lucratif qui mène des recherches en économie et en programmes publics. Il est reconnu pour ses positions de droite. Dans leurs conclusions, les auteurs Mark Rovere et Brett J. Skinner proposent au Canada d'harmoniser son processus réglementaire avec ceux de l'Union européenne et des États-Unis. Les auteurs pensent également que les provinces devraient remplacer les régimes d'assurance médicaments publics par des subventions proportionnelles aux revenus des citoyens afin qu'ils se procurent une assurance privée.

Cette position est aux antipodes de celle de Québec solidaire, qui présentera demain à l'Assemblée nationale une motion demandant une assurance médicaments universelle entièrement publique. Elle sera débattue en après-midi.