Le ministre Yves Bolduc s'est dit confiant, mercredi, d'éviter une rupture de services «au cours des prochains mois», à la suite des arrêts de production de l'usine de médicaments génériques Sandoz de Boucherville.

Les partis de l'opposition à Québec accusent le ministre de la Santé, Yves Bolduc, de manquer de leadership pour gérer la pénurie de médicaments injectables qui frappe le Québec depuis trois semaines en raison des problèmes à l'usine Sandoz de Boucherville. À Ottawa, la ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, se dit «déçue» du manque de transparence de Sandoz. En cachant l'information sur les produits frappés par la pénurie, Sandoz a aggravé la crise, croit la ministre fédérale.

«Soit le ministre Bolduc n'a pas de plan, soit il manque de transparence, a déploré mercredi le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault. Je ne comprends pas, j'ai déjà été le ministre de la Santé et il me semble que, dans une situation comme cela, j'en ferais une priorité. Il y aurait déjà des gens qui travailleraient sur un plan et, pour l'instant, ce plan ne semble pas exister.»

À son avis, le ministère de la Santé doit dresser au plus vite un inventaire des médicaments qui se trouvent dans les pharmacies de tous les établissements des centres de la santé et des services sociaux (CSSS) afin de déterminer quels produits risquent d'être en rupture de stock en premier. Santé Canada demande d'ailleurs aux provinces de lui indiquer à quelles molécules elle doit donner la priorité dans le cadre d'une démarche d'importation rapide et massive de médicaments de remplacement fabriqués à l'étranger.

La critique en matière de santé au Parti québécois, Agnès Maltais, reproche au ministre Bolduc de se comporter de manière «jovialiste» devant la crise qui secoue les établissements de santé. «Le ministre nie le problème depuis deux semaines et, essentiellement, il dit que les centres hospitaliers doivent s'arranger entre eux et se débrouiller tout seuls. Ce n'est pas faire preuve d'un grand leadership. À force de faire de la microgestion, il oublie les grands problèmes qui menacent le système de santé.»

En réaction au dossier Sandoz, l'Ordre des pharmaciens a demandé au gouvernement d'adopter un règlement pour contraindre les sociétés pharmaceutiques à annoncer les pénuries dès qu'elles sont pressenties. L'Union européenne a déjà de telles dispositions. M.Legault et Mme Maltais estiment qu'il s'agit d'une solution pertinente que le gouvernement devrait adopter pour éviter d'autres crises.

«De l'improvisation totale»

Il n'a pas été possible pour La Presse d'obtenir une entrevue avec le ministre Bolduc. Dans un point de presse à Québec, il a dit prendre la situation au sérieux.  «Pour les prochains mois, ça va être serré, mais on pense que l'on va être capable de passer au travers sans ruptures. Actuellement, on utilise des médicaments de substitution et on surveille la situation des blocs opératoires de façon à ce que tous les anesthésiants nécessaires en postopératoire soient disponibles», a-t-il déclaré.

Le ministre a convoqué les dirigeants de Sandoz pour une rencontre au début de la semaine prochaine, a indiqué l'attachée de presse du ministre, Natacha Joncas-Boudreau.

L'affaire a aussi rebondi à la Chambre des communes, mercredi. «Les conservateurs prétendent que tout est sous contrôle, qu'ils vont accélérer le processus pour importer les médicaments. Le problème est qu'ils n'ont même pas identifié les médicaments de rechange. C'est de l'improvisation totale. Au mieux, le processus va prendre des semaines. En attendant, en Outaouais seulement, plus de 60 chirurgies ont été annulées. Les malades paient le prix de l'inaction des conservateurs. C'est complètement inacceptable», a déploré la députée du Nouveau Parti démocratique Anne Minh-Thu Quach, co-porte-parole en matière de santé.

La ministre fédérale de la Santé a rétorqué qu'elle était «très déçue de Sandoz». «La société n'aurait pas dû cacher l'information aux provinces et aux territoires aussi longtemps, ce qui a aggravé la situation. Sandoz est responsable de gérer un approvisionnement sûr de ses médicaments au Canada et de prendre des mesures pour prévenir des interruptions d'approvisionnement qui pourraient mener à des pénuries.»

L'usine de médicaments génériques Sandoz de Boucherville a annoncé lundi qu'elle suspendait sa production pour au moins une semaine afin de nettoyer les dégâts causés le week-end dernier par un incendie. Sandoz Canada est le principal fournisseur de plusieurs médicaments injectables pour les hôpitaux québécois. Ces produits sont essentiels pour les soins critiques et intensifs, ainsi qu'en chirurgie.