Les enfants très exposés aux composés perfluorés - des substances chimiques utilisées dans une vaste gamme de produits de consommation, dont les emballages alimentaires - produisent moins d'anticorps que les autres à la suite de leurs vaccins de routine. C'est l'inquiétante conclusion d'une étude publiée aujourd'hui dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).

«Nos résultats suggèrent un effet amoindri de la vaccination des enfants et pourraient révéler un déficit plus généralisé de notre système immunitaire», lit-on dans la recherche menée par le Dr Philippe Grandjean, de la Harvard School of Public Health.

Presque tous les Canadiens, enfants comme adultes, ont de petites quantités de produits chimiques perfluorés (PFC) dans le sang. Les concentrations détectées chez l'humain ne sont toutefois pas suffisamment élevées pour être considérées comme dangereuses pour la santé, a affirmé Santé Canada en 2008. Mais ce n'est que récemment que les chercheurs se sont penchés sur les effets des composés perfluorés sur le système immunitaire.

L'équipe du Dr Grandjean a suivi 587 enfants nés aux îles Féroé, un archipel situé entre l'Islande et l'Écosse, jusqu'à l'âge de 7 ans. Leurs concentrations d'anticorps contre le tétanos et la diphtérie ont été mesurées après qu'ils eurent reçu plusieurs doses de vaccins contre ces maladies. Le taux d'exposition de ces enfants et de leur mère pendant la grossesse à cinq différents PFC a aussi été évalué.

Tous les échantillons de sang recueillis contenaient les cinq PFC, à diverses concentrations. «Je pense que les Canadiens sont aussi exposés aux PFC que les Américains et les Féroïens», a indiqué hier à La Presse le Dr Grandjean, joint à Copenhague.

L'étude révèle que plus l'exposition prénatale à ces produits chimiques est importante, moins les enfants ont la capacité de produire des anticorps, plus tard dans la vie. L'effet le plus marqué est vu à 7 ans, alors que le taux d'anticorps des enfants est réduit de moitié si le taux d'exposition aux PFC est doublé.

«Nous soupçonnions qu'il y avait un lien entre ces composés et le système immunitaire depuis des études menées chez les souris, a dit le Dr Grandjean. Mais nous avons été surpris de voir que l'association était aussi forte.»

L'exposition aux PFC «peut augmenter le risque qu'un enfant ne soit pas protégé contre la diphtérie et le tétanos malgré une vaccination complète», souligne l'étude. L'immunité contre d'autres maladies est aussi en jeu.

Éviter les traitements antitaches et hydrofuges

Que faire pour limiter notre exposition? Passer régulièrement l'aspirateur! «Nous ne savons pas exactement d'où viennent les PFC, mais la poussière de maison est une source probable de contamination», a précisé le Dr Grandjean. Ces produits chimiques sont notamment utilisés dans les traitements antitaches et hydrofuges des meubles et des vêtements.

«Bien qu'on ne sache pas quelle quantité de PFC migre dans les aliments, les emballages comme les boîtes de pizza et les sacs de maïs soufflé pour micro-ondes en sont une autre source, a dit l'expert. La chaîne alimentaire est aussi contaminée, particulièrement les poissons et les fruits de mer.»

Heureusement, l'exposition a diminué depuis l'abandon graduel de la production aux États-Unis. «Mais d'autres PFC sont maintenant populaires, a ajouté le Dr Grandjean, et la production augmente en Chine.»