De 2006 à 2009, le nombre d'erreurs médicales commises dans les établissements de santé du Québec n'a cessé d'augmenter, révèlent des données obtenues grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Au seul hôpital Charles-LeMoyne, à Longueuil, le nombre de déclarations a augmenté de 80% pour atteindre 6200. Mais puisque le registre national des incidents et accidents, attendu depuis plus de huit ans, n'a toujours pas été créé, il est impossible d'avoir un portrait exact et uniforme de la situation. Après avoir promis de lancer ce registre en 2008, puis en 2010, le ministère de la Santé affirme maintenant que ce sera fait au printemps.

Depuis 2002, les hôpitaux sont obligés de tenir un registre local des incidents et accidents. Mais chacun compile ses données à sa façon, ce qui empêche toute comparaison à l'échelle provinciale. Dans son rapport 2007, le Protecteur du citoyen a noté la grande disparité entre les façons de faire des établissements. Et la situation n'a pas changé depuis.

Lorsqu'on compare les registres, force est de constater que leur contenu varie grandement d'un hôpital à l'autre. Si certaines statistiques sont compilées partout, comme le nombre de chutes et d'erreurs de médicaments, d'autres données varient. Certains établissements récoltent des données détaillées sur l'origine de l'incident (erreur de diète, de test diagnostique, de transfusion...). L'hôpital Charles-LeMoyne a notamment recensé 77 cas d'agression ou de violence l'an dernier. Qu'en est-il ailleurs? Impossible de le dire.

La culture de divulgation des erreurs médicales varie aussi d'un endroit à l'autre. Certains hôpitaux encouragent leurs employés à déclarer tout accident ou incident, ce qui pousse les statistiques à la hausse. C'est le cas de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et du Centre hospitalier universitaire de Québec, où le nombre de déclarations a bondi respectivement de 73% et 211% en quatre ans.

Registre encore repoussé

Le gouvernement n'a cessé de reporter le lancement du registre national des incidents et accidents. Un ennui technique est à l'origine du dernier report. Les établissements de santé utilisaient des logiciels différents pour comptabiliser leurs incidents et accidents. L'un de ces logiciels ne serait pas compatible avec le registre national. La porte-parole du ministère de la Santé, Nathalie Lévesque, explique que 67% des établissements sont déjà reliés au registre national et que les autres le seront d'ici à quelques mois.

Lisa D'Amico, du Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales (FAVEM), attend impatiemment le registre. «Actuellement, il n'y a pas d'uniformité, dit-elle. Certains établissements déclarent tout, d'autres non, et il n'y a aucune conséquence. Il faut avoir l'heure juste.»

Elle déplore le fait que le registre ne sera pas lié à des budgets pour indemniser les victimes. «On va divulguer l'incident, mais il n'y aura pas d'argent pour aider les victimes et leurs familles. Ça sert à quoi de déclarer les incidents si on ne fait rien après?» demande-t-elle.

De l'avis de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, le registre permettra d'améliorer les pratiques. «On va voir quels genres d'incidents se produisent le plus souvent et où. On pourra faire des analyses plus fines et agir pour régler les problèmes», affirme la directrice générale de l'AQESSS, Lise Denis.

- Avec la collaboration de William Leclerc