Choisi pour représenter Investissement Québec à Munich, Jean-Yves Duthel, bras droit de Claude Blanchet pendant des années, est-il ou non titulaire d'un doctorat? La question reste entière, puisque l'organisme qui l'a embauché ne répond plus. Le service des communications d'Investissement Québec et le vice-président aux relations publiques Pascal Monette n'ont pas rappelé La Presse, mardi.

Investissement Québec avait fourni des «lignes de presse» à la ministre déléguée au développement économique, Elaine Zakaïb. Cette dernière a indiqué en point de presse que M. Duthel «aurait un doctorat et parle couramment allemand» - des réponses qu'on lui avait préparées, car on prévoyait qu'à la suite du reportage de La Presse, mardi, elle ferait l'objet d'un tir de barrage de l'opposition sur cette nouvelle nomination partisane.

Dans le courriel transmis à l'ensemble des employés d'Investissement Québec, le patron pour l'Europe, Yves Grimard, soutenait aussi que M. Duthel «détient un diplôme de troisième cycle».

Or, dans deux curriculums vitae de M. Duthel consultés par La Presse, il n'est jamais fait mention d'un tel parcours scolaire. Un curriculum récent indique même que la période «universitaire» de M. Duthel s'est déroulée de 1969 à 1972 et s'est soldée par un diplôme en relations internationales de l'Université de Strasbourg. Par la suite, il a fréquenté l'École de journalisme, sans en être diplômé. Son CV de 2001, au moment où il avait été nommé responsable des communications dans le gouvernement Landry, ne mentionne que le diplôme en relations internationales de 1972. Il avait alors 22 ans.

Poursuites du DGE

À l'Assemblée nationale, hier en début de soirée, l'ex-ministre Lise Thériault a soutenu qu'il était inacceptable qu'on choisisse un candidat qui était encore l'objet de poursuites du Directeur général des élections. Il est en effet accusé de contributions politiques illégales à Vision Montréal et doit comparaître en cour le 30 avril.

Mme Zakaïb a toutefois laissé échapper devant les journalistes que les poursuites «allaient tomber». Comme ministre du Travail, Lise Thériault avait nommé la péquiste Diane Lemieux à la Commission de la construction, ainsi que Brigitte Pelletier, ex-chef de cabinet de Bernard Landry, à la présidence de la Commission des normes du travail. «Ce qui est étonnant et troublant, c'est que, cette fois, on nomme à Investissement Québec quelqu'un dont l'intégrité est remise en cause», a soutenu Mme Thériault.

À l'entrée d'une réunion du caucus péquiste, le ministre Jean-François Lisée avait défendu ce choix et indiqué que le gouvernement était au courant des accusations contre M. Duthel avant qu'il ne soit nommé.

En juillet 2012, le Directeur général des élections a accusé M. Duthel, avec un autre ancien permanent de Vision Montréal, d'avoir fourni des contributions illégales au parti que dirigeait son patron à l'époque, Benoît Labonté. M. Duthel doit comparaître le 30 avril. Même si la cause n'a pas encore été entendue, Jean-François Lisée a déclaré que «tout est réglé du côté de la justice». Il a ensuite corrigé le tir, disant qu'il faut «attendre les décisions» du tribunal. Mme Zakaïb a affirmé de son côté que «les accusations allaient tomber».

Selon M. Lisée, le gouvernement n'avait pas à patienter avant de nommer M. Duthel. «On pense que c'est la meilleure personne pour le poste. Si vous lisez le curriculum vitae, vous verrez comme moi que ça aurait été difficile de trouver quelqu'un avec plus de compétences et de connaissances du dossier», a fait valoir M. Lisée. «Je pense que la décision a été prise par Investissement Québec, nous en avons été informés, et nous pensons que c'est un excellent choix.»

Un choix «indéfendable»

Pour François Legault, la nomination de M. Duthel comme «démarcheur» pour trouver des projets d'investissements est indéfendable. «On prend les Québécois pour des valises.» L'ex-ministre péquiste a rappelé à Mme Marois qu'elle «connaît très bien» M. Duthel. «C'est un gars de communication. Là, on lui donne un job pour démarcher des investissements; il n'a jamais fait ça dans sa vie, il n'a aucune formation en finances, aucune expérience en finances.» «La première ministre nous disait en 2009: «nous sommes le parti de René Lévesque. Jamais nous ne ferons de nomination partisane comme le Parti libéral.» C'est sur YouTube. Vous irez voir ça», a lancé M. Legault.

Québec est en train de changer le nom d'Investissement Québec pour la Banque de développement économique. «Ça va-tu être la banque de développement de la carrière des amis du PQ? C'est quoi, cette banque-là? Est-ce qu'elle peut nous dire, là, honnêtement, est-ce qu'il a la compétence pour faire la job, oui ou non?», a lancé le chef caquiste.

Mme Marois n'a pas répondu à l'invitation de M. Legault, mais Elaine Zakaïb a défendu le choix de son ancien collègue - elle a travaillé avec le tandem Blanchet-Duthel au Fonds de solidarité du Québec. L'embauche a été décidée par Investissement Québec, qui assure «que le processus d'embauche normal pour tout contrat d'un contractuel d'une durée d'un an a été suivi selon les règles de l'art», a-t-elle soutenu.