Pierre Lapointe se désole qu'on ait fait jouer sa musique sans son consentement lors du dernier congrès libéral, mais il a déjà participé à un événement avec le premier ministre Charest, a souligné la députée libérale Marguerite Blais.

«Pierre Lapointe oublie-t-il qu'il a déjà donné un concert à Québec invité par le PM Jean Charest?», a-t-elle écrit sur Twitter.

L'ex-ministre de la Culture Christine St-Pierre assistait à cet événement en 2008 - soit avant le printemps érable -, dans le cadre du Sommet de la Francophonie. «C'était un dîner officiel, un grand dîner d'apparat offert par le premier ministre Jean Charest pour le président français Nicolas Sarkozy. C'était au Château Frontenac et l'artiste invité était Pierre Lapointe. Plusieurs ministres étaient là et M. Charest avait parlé devant la salle. J'étais très fière que ce soit Pierre Lapointe qui chante devant le président français», a-t-elle rapporté. Il avait obtenu une rémunération.

Les libéraux ont précisé plus tard en journée mercredi que la soirée était en fait offerte pour le premier ministre français François Fillon, et non pour le président Sarkozy.

Mme St-Pierre ne veut pas faire de lien entre cet événement privé organisé par le gouvernement libéral, auquel M. Lapointe a choisi de participer, et le congrès partisan du Parti libéral, où sa chanson a été utilisée sans son accord. «Je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus. Pour moi, c'est un grand artiste», a-t-elle dit.

La chanson Je reviendrai de Pierre Lapointe a été diffusée à l'Auditorium de Verdun dimanche, au congrès libéral, alors qu'on attendait les résultats du vote pour la direction du parti. «De se l'approprier pour vendre une idéologie, de s'en servir comme d'un souffle politiquement chargé sans demander au propriétaire de ladite chanson sa permission, est une grave erreur morale et un manque de respect flagrant. C'est un manque honteux d'éthique», a-t-il écrit dans une lettre ouverte publiée dans nos pages.

«Depuis mes débuts dans le monde de la chanson populaire, j'ai toujours été clair: être associé publiquement à un parti politique ne m'intéresse pas. Qu'importe le parti!»

Et il en veut particulièrement aux libéraux pour leur gestion de la crise étudiante l'année dernière. «L'an dernier, durant la crise, j'étais dans la rue avec les étudiants, les parents, les enfants, les intellectuels, les commerçants, les retraités et les artistes. À l'époque, je trouvais votre discours ridicule. De vous voir diviser le "bien" du "mal" comme dans un film d'action au scénario trop léger d'esprit me mettait profondément mal à l'aise. Aujourd'hui, de voir que vous vous appropriez une de mes chansons, sans même avoir la cohérence d'esprit de vous souvenir que vous avez utilisé mon nom, pour salir l'image de tous les artistes qui portaient le carré rouge, me dégoûte», écrit-il dans sa missive.

Mme St-Pierre affirme ne pas comprendre les critiques de Pierre Lapointe. Elle croit que l'auteur-compositeur-interprète a mal compris le contexte dans lequel on a utilisé sa chanson. «Si on avait fait jouer sa chanson comme ralliement, lorsqu'un candidat se rendait vers la scène ou après un discours, je l'aurais compris. Il y aurait eu un problème. Mais ce n'était pas le cas. C'était de la musique d'ambiance, pendant la longue pause en attendant les résultats. Ce n'était pas pour faire mousser le parti. Moi-même, je me suis dit: coudon, va-t-on entendre de la musique en français? J'ai été heureuse qu'on la fasse jouer.»

Les salles comme l'Auditorium de Verdun détiennent une licence de la SOCAN. Elle leur permet d'utiliser des chansons de créateurs canadiens. En vertu de cette entente, une redevance retourne dans les poches de ces artistes.

Dans sa lettre, Pierre Lapointe ne contestait toutefois pas ce droit. Il référait plutôt au droit moral. Il aurait voulu être consulté pour des raisons éthiques, à cause du caractère partisan de l'événement.

Pierre Lapointe n'a pas voulu ajouter de commentaires à sa lettre mercredi.

Couillard désolé

Le nouveau chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, est «désolé» que le chanteur Pierre Lapointe n'ait pas apprécié qu'on fasse jouer une de ses chansons durant le congrès à la direction du PLQ, dimanche dernier.

«On est désolé que ça l'ait blessé. On avait quand même sur le plancher 2000 Québécois qui aiment la culture et la chanson québécoises, et il faut s'en réjouir. À l'avenir, si on voit que ça l'a dérangé, on demandera (l'autorisation de faire jouer ses chansons)», dit Philippe Couillard.

Le chef du PLQ croit toutefois que les partis politiques devraient pouvoir utiliser des chansons québécoises durant leurs événements. «Il ne faut pas créer de barrières selon les affinités politiques pour être fier de la culture québécoise, dit Philippe Couillard. Les gens sur le plancher étaient très contents (d'entendre la chanson Je reviendrai, de Pierre Lapointe). Le talent des créateurs du Québec appartient à tous les Québécois.»

- Avec Annabelle Blais