Le nouveau chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Philippe Couillard, n'est pas pressé de siéger à l'Assemblée nationale. Il compte avant tout participer à une série de colloques régionaux susceptibles d'amener un courant d'air frais au PLQ.

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Tout de suite après sa victoire facile -avec l'appui de 58,5% des 2377 délégués-, Philippe Couillard a lancé un appel insistant au ralliement des partisans de ses adversaires, Pierre Moreau et Raymond Bachand. M. Moreau a causé une surprise en terminant deuxième avec 22% des suffrages, laissant en troisième place l'ancien ministre des Finances Raymond Bachand, avec 19,5% des voix. Devant le congrès, les deux aspirants déçus ont lancé un appel sans réserve au ralliement.

En point de presse, sur l'estrade où il venait de prononcer son discours, M. Couillard a vite indiqué qu'il n'avait pas l'intention de chercher une circonscription de sitôt. «Être élu n'est pas un objectif incontournable, ce n'est pas pour moi une priorité. Je ne vais pas me précipiter à l'Assemblée nationale», a-t-il dit. Pour l'heure, il compte faire une tournée du Québec pour préparer une série de colloques régionaux. Il repérera aussi des candidats éventuels pour mettre le parti sur les rails afin qu'il soit prêt en cas d'élections générales.

«Aujourd'hui, c'est un début, le début d'un renouveau du Parti libéral du Québec et d'un vaste rassemblement des Québécois. Le Parti libéral du Québec est de retour!» a-t-il soutenu devant les délégués, promettant que sa formation serait «irréprochable sur le plan de l'éthique».



Il n'est plus aussi sûr d'attendre 2014 pour tenir le congrès de renouvellement du parti qu'il avait promis durant la campagne -dans son entourage, on veut presser le pas, car on est conscient de la possibilité d'une campagne électorale à l'automne. «Le congrès en 2014, ça tient toujours, mais il y a un calendrier électoral qui peut modifier les choses», a-t-il dit.

Des liens avec Arthur Porter

À la porte de l'Auditorium de Verdun, le député caquiste Jacques Duchesneau était venu rappeler les liens embarrassants entre Philippe Couillard et le Dr Arthur Porter, accusé de fraude dans l'attribution du contrat du Centre universitaire de santé McGill à SNC-Lavalin. «Tout ce qui est autre chose que l'enjeu principal, l'attribution du contrat, c'est du potinage sans intérêt», a tranché M. Couillard.

Le résultat de dimanche «est dans la zone que j'espérais», a affirmé un de ses lieutenants, Sam Hamad. Il reconnaît qu'il a été surpris de voir Raymond Bachand en troisième place, mais l'écart avec Pierre Moreau est si ténu que quelques indécis ont pu faire la différence, a-t-il expliqué.

D'entrée de jeu, s'adressant aux militants qui attendaient les résultats depuis près d'une heure, M. Couillard a promis de mettre de côté les querelles de campagne. «Il n'y a qu'un camp maintenant, celui du Parti libéral du Québec. Nous sommes, devant les Québécois, le Parti libéral du Québec, unis comme parti, mobilisés comme militants et comme Québécois. Nous formons une seule équipe. Donnons ensemble le signal du ralliement», a-t-il martelé.

Plus tôt, ses adversaires avaient sans ambiguïté rallié les rangs. Deuxième avec 22% des suffrages, Pierre Moreau a vite tourné ses canons vers Pauline Marois, promettant que les libéraux, désormais unis, allaient marcher vers le pouvoir.

Une «unité à refaire»

Raymond Bachand a quant à lui parlé de «l'unité à refaire». «Il faut resserrer les rangs derrière le nouveau leader. Il faut remettre le Québec sur les rails.»

En matinée, MM. Moreau et Bachand avaient pourtant lancé des piques à leur adversaire, clairement en avance. Dans un discours qui a électrisé bien des délégués, M. Moreau a décoché une flèche à son adversaire Philippe Couillard, qui avait quitté le navire en 2008, quand les libéraux étaient minoritaires. M. Moreau avait quant à lui été militant «beau temps, mauvais temps». Il a aussi rappelé qu'à la différence de M. Couillard, il pouvait «dès mardi», en tant que député à l'Assemblée nationale, combattre le gouvernement Marois au Parlement.

La déception était grande chez les partisans de Raymond Bachand. «Voir qu'on est en troisième, c'est la surprise totale. On était convaincus d'avoir un deuxième tour», a laissé tomber la députée Christine St-Pierre, les larmes aux yeux. Elle ne craint pas le départ de son favori. «Il nous a dit qu'il finirait son mandat», a-t-elle rappelé. Comme d'autres membres de l'équipe Bachand, elle a nié le fait que les relations passées entre M. Couillard et Arthur Porter soient le talon d'Achille du nouveau chef.

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Pierre Moreau crée la surprise

Il n'y avait pas de caméras. Le paletot sur le dos, Pierre Moreau s'apprêtait à quitter le congrès où, à la surprise générale, il a terminé deuxième, coiffant de quelques points Raymond Bachand, gros canon du gouvernement Charest. «On vous dit à la prochaine fois», lui lançait une poignée de délégués, plutôt âgés. L'ancien ministre des Transports a gagné du galon avec la course qui se termine, et ses qualités d'orateur, qui rappellent celles de Jean Charest, n'ont pas échappé aux délégués.

«Dans nos calculs, on était deuxième depuis une dizaine de jours», a expliqué par la suite M. Moreau à La Presse. Il y avait une fraction «d'indécis» qui étaient probablement déjà engagés envers un autre candidat, a-t-il ajouté.

Il croit que les règles du congrès devraient être changées -le Parti libéral du Québec est le dernier parti à choisir son chef par l'entremise de délégués sélectionnés dans chaque circonscription. «Mais en même temps, si on change, il faudrait être capable de conserver le momentum que créent ces congrès. C'est bon pour le parti et sa visibilité», a-t-il résumé.

Jean Charest est du même avis. La nécessité de modifier les règles pour les moderniser, «ce n'est pas un sujet qui est apparu à l'ordre du jour [durant ses 15 ans comme chef]. C'est un débat qui se fera pour l'avenir. Il y a du pour et du contre, il y a une énergie et une dynamique avec un congrès par délégués qu'on ne retrouve pas dans l'autre formule [au suffrage universel]. Il y a moyen de conserver les deux», a-t-il dit.

Il s'est dit heureux «du résultat probant» du vote. «Je suis celui qui a amené Philippe Couillard au parti, il était à Sherbrooke. Je l'ai connu au Centre hospitalier universitaire, il m'avait impressionné, ça n'a pas été long pour qu'il vole de ses propres ailes.»

Le politicien à la retraite a blagué quand il avait vu la meute des caméras se tourner vers lui. «J'ai un flashback!», a-t-il lancé, amusé.