Plus le piège se referme sur les suspects du scandale de corruption du CUSM, plus le nom d'Arthur Porter devient lourd à porter pour ses anciennes fréquentations, notamment pour les acteurs du milieu de la santé qui ont eu le malheur de se retrouver avec lui dans un voyage de pêche alors que son projet du mégahôpital était en pleine gestation.

La photo obtenue par La Presse circule depuis quelques jours dans certains milieux branchés sur la politique. Elle a été prise lors d'un voyage de pêche dans une pourvoirie du Nouveau-Brunswick, en 2006: on y voit Arthur Porter, l'ancien patron du CUSM, qui fait aujourd'hui face à des accusations de corruption pour avoir accepté des millions de dollars en pots-de-vin dans le but de favoriser SNC-Lavalin, la firme à la tête du consortium choisi pour bâtir son nouvel hôpital.

À ses côtés, l'avocat Marc Dorion, spécialiste des soumissions pour les partenariats publics-privés (PPP) de construction d'hôpitaux, qui un an plus tard, allait justement devenir conseiller juridique du consortium dirigé par SNC-Lavalin pour la soumission du CUSM.

Dans le même groupe, tout sourire, le ministre de la Santé de l'époque, Philippe Couillard, celui-là même qui avait annoncé le projet de construire deux mégahôpitaux universitaires à Montréal, un francophone et un anglophone.

Trois acteurs centraux de la saga du CUSM qui partent à la pêche, un an exactement avant le début d'un processus qui sera marqué par de graves accusations de corruption. À ce moment, le projet d'appel d'offres et les besoins du CUSM étaient en train d'être planifiés.

Invités par le Nouveau-Brunswick

L'attaché de presse de Philippe Couillard, Harold Fortin, connaît bien l'histoire de ce voyage, qui a déjà fait l'objet de plusieurs questionnements, confirme-t-il. Il se doutait bien que la photo aurait cet effet.

«Je comprends pourquoi on pose la question, c'est normal, mais quand Philippe Couillard est à la pêche, il est à la pêche. Le contrat du CUSM a été accordé plusieurs années après cette partie de pêche. M. Dorion est là, oui, mais il n'y avait même pas encore de consortium formé pour soumissionner», explique M. Fortin.

«Le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait invité MM. Couillard et Porter à la suite d'un symposium et quand mon patron s'est présenté là, il ne savait même pas qui il allait rencontrer», ajoute l'attaché de presse.

Même son de cloche du côté de Marc Dorion. Ce spécialiste des hôpitaux, qui dit avoir travaillé avec ses collègues sur les soumissions d'une trentaine d'établissements construits en PPP, raconte qu'il ne savait pas encore que ses services seraient requis l'année suivante pour la soumission du CUSM.

«On n'avait aucun mandat à ce moment-là. Et je ne suis même pas arrivé dans le même groupe qu'eux. J'avais été invité par un ministre du Nouveau-Brunswick, Percy Muckler [aujourd'hui sénateur conservateur à Ottawa]. Une fois que l'appel d'offres est lancé, c'est différent, il y a un système très strict et toutes les communications sont canalisées. Nous sommes très familiarisés avec ça et nous n'avons jamais eu de problème», raconte-t-il.

Nombreux appels

L'affaire a encore occupé le bureau de M. Couillard cette semaine. Elle s'ajoute à une longue liste d'événements qui ont poussé l'aspirant chef du PLQ à revenir sur sa relation avec Arthur Porter.

Au bureau de Philippe Couillard, on confirme avoir été questionné sur pas moins de 10 histoires concernant Porter et Couillard au cours des 15 derniers jours. Plusieurs se sont avérées non fondées, mais le feu roulant de questions a donné une tournure non souhaitée à la fin de la campagne à la direction du Parti libéral.

«On arrive en fin de course, il y a une campagne organisée contre M. Couillard. J'ai reçu des appels pour toutes sortes d'histoires concernant

M. Porter, toutes dans le but de le relier à M. Couillard, alors que M. Couillard n'a rien à voir avec lui. Il y a des gens dans la course au PLQ et dans les autres partis qui propagent des théories», déplore-t-il.

Marc Dorion constate aussi avec tristesse que tout ce qui tourne autour d'Arthur Porter est maintenant scruté d'un oeil méfiant, même une photo tirée d'une partie de pêche qui semblait anodine à l'époque.

«C'est dommage toute la publicité négative autour du CUSM parce que ça a gagné des prix ce projet-là», dit-il.

Rappelons que pendant toute la durée de sa carrière, Arthur Porter s'est appliqué à cultiver ses relations avec les politiciens dans les pays où il a exercé ses fonctions: au Québec, par exemple, l'album de photos réalisé à l'occasion de sa fête de départ du CUSM était une interminable succession de ses apparitions aux côtés d'élus aux ordres municipal, provincial et fédéral.

- Avec la collaboration de Fabrice de Pierrebourg