À terme, soit dans trois ans, les compressions annoncées dans l'aide sociale par le gouvernement Marois permettront à Québec d'épargner annuellement 35 millions. Mais les mesures d'employabilité mises en place devraient coûter davantage - 50 millions par année, dans trois ans, selon les chiffres du ministère de l'Emploi.

Pour 2013-2014, une seule chose tangible est au menu: des changements, annoncés à la Gazette officielle, qui généreront 15 millions d'économies pour Québec. Il s'agit d'une part importante des 19 millions de compressions attendues par le Conseil du Trésor pour l'année à venir.

Lundi, la stratégie utilisée par Québec pour annoncer ces nouvelles mesures a suscité des critiques acerbes de la part des porte-parole des bénéficiaires de l'aide sociale. Ceux-ci avaient rencontré la semaine dernière la ministre responsable Agnès Maltais et la responsable de l'aide sociale, mais personne ne leur avait indiqué l'imminence des nouvelles règles, publiées le surlendemain à la Gazette officielle.

«Ce sont les changements les plus importants des 10 dernières années à l'aide sociale. On ne nous a jamais dit que les gens seraient coupés», a lancé, irritée, Amélie Châteauneuf, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Elle doit rencontrer Mme Maltais jeudi.

Québec propose un programme d'employabilité, limité dans le temps, qui n'assure pas de résultats et qui ne permet aucun appel aux prestataires. Jointe à New York, où elle est en mission officielle, Mme Maltais explique qu'elle a dû attendre que la décision soit prise au Conseil des ministres avant d'en parler aux députés, à la veille de la relâche parlementaire.

Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale diminue régulièrement - de 5500 en moyenne par année. Toutefois, pour aller au-delà de cette réduction naturelle, «il faut mettre de plus en plus de moyens, d'efforts et d'argent» pour aider les prestataires à en sortir. Deux bénéficiaires de l'aide sociale sur trois de moins de 25 ans viennent d'une famille de bénéficiaires. Chaque mois, le Ministère reçoit 2500 demandes d'aide d'adultes de moins de 25 ans.

«On veut ramener la croissance de dépenses à 2%, cela ne s'est jamais fait, c'est sûr qu'il y aura des gens qui seront touchés», affirme-t-on ailleurs au gouvernement Marois - même si la ministre Maltais se défend bien de faire des compressions.

«Tant pis pour eux»

Québec compte retirer l'allocation supplémentaire de 129$ par mois aux futurs prestataires célibataires qui ont de 55 à 58 ans. On leur offrira des parcours de réinsertion au marché du travail, avec une allocation plus généreuse de 195$ par mois, promet la ministre Maltais.

«Il y a une demande pour les travailleurs de 55 ans qui n'existait pas dans le passé», a-t-elle soutenu. Québec supprimera aussi l'allocation supplémentaire aux ménages qui ont un enfant de moins de 5 ans. On présume qu'au moins un des deux parents peut se qualifier pour des mesures d'employabilité. «Ce 195$ n'est pas écrit nulle part. Tout ce qui est devant nous, c'est une coupure de 129$.»

Les bénéficiaires toxicomanes sont aussi touchés - certains bénéficient de mesures d'aide spéciale pendant 30 mois. Mme Maltais décrète unilatéralement que tous les toxicomanes doivent régler leur problème en moins de 45 jours, deux fois par année. «Si ces personnes ont besoin de plus de temps, tant pis pour elles», dénonce Mme Châteauneuf. Pour 
Mme Maltais, c'est probablement le changement le plus important. En quelques années, le programme pour les toxicomanes a quadruplé; il atteint désormais 25 millions par année.

Selon Mme Maltais, la période de 45 jours avant la mise en application du décret permettra des échanges avec les groupes. L'âge minimal pour l'allocation aux célibataires repoussée de 55 à 58 ans, «c'est ce qui est le moins compris», convient-elle.

Selon Mme Châteauneuf, la cause est entendue. «Je crois qu'ils vont revenir en arrière... On espère que la ministre va entendre raison et cesser de dire des choses qui mélangent les gens. Quand elle dit qu'elle n'échappera personne, ce n'est pas vrai», lance-t-elle.

Elle affirme qu'il est pour le moins ironique que Mme Maltais, tout en réduisant l'aide aux futurs bénéficiaires, qui ne peuvent actuellement se défendre, soit montée au créneau pour attaquer Ottawa à propos de ses compressions à l'assurance emploi. «Elle fait des coupes en ne consultant pas les groupes», sans études sur l'impact de ses mesures.