Au lendemain du sommet sur l'enseignement supérieur, il semble que Philippe Couillard et Raymond Bachand hésiteraient maintenant à rouvrir le débat sur les droits de scolarité s'ils gagnaient la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ).

Avec le gel qui a été en vigueur jusqu'en 2007, les universités soutenaient que leur sous-financement augmentait à chaque année. Avec l'indexation péquiste, la contribution actualisée des étudiants au financement universitaire restera à peu près stable. MM. Bachand et Couillard seraient-il prêt à relancer ce débat et risquer une nouvelle grève étudiante?

«Je pense que l'indexation de 3% par année, ce n'est pas suffisant, mais je ne repartirai pas un grand débat. On ne créera pas une crise sociale», lance M. Bachand.

Comment fera-t-il? «Je ne peux pas dire aujourd'hui quelle serait notre plateforme électorale aux prochaines élections sans connaître l'état des finances publiques, que Mme Marois aggrave avec ses moratoires sur les mines et le pétrole et sa paralysie fiscale», répond l'ancien ministre des Finances.

Autre variable qu'il ne connaît pas encore : l'impact de sa modulation des droits de scolarité en fonction des disciplines. M. Bachand voudrait augmenter la facture des étudiants en médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire et pharmacie. «C'est une question de justice. Certains étudiants payent de 35 à 40% de leurs coûts de formation, alors que d'autres en santé payent en bas de 10%. La formation en médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire et pharmacie coûte très cher, et ces étudiants vont gagner beaucoup d'argent plus tard. Il y a moyen d'augmenter leurs droits de scolarité sans nuire à l'accessibilité. Ça dégagerait de l'argent pour les autres facultés. Après cela, on verra ce qui reste à demander à l'ensemble des étudiants. Je ne modulerais toutefois pas les droits pour la musique (dont la formation coûte très cher).»

Il rappelle que les étudiants en chirurgie dentaire de l'Université de Montréal ont voté pour augmenter leurs frais afférents de 1000 dollars afin d'acheter de meilleurs équipement. «Il y a de la marge de manoeuvre», observe-t-il.

La modulation, écartée par Mme Marois de ses chantiers, intéresse aussi M. Couillard. «Je suis favorable à l'idée, tant que ce soit pris en considération dans le programme d'aide aux études», dit-il.

L'ancien ministre de la Santé rouvrirait «si nécessaire» le débat sur les droits de scolarité. «Si on me démontrait que (l'indexation) ne suffisait pas à financer adéquatement les universités, il faudra rouvrir le débat. Mais il manque encore des données pour le savoir, car on a posé le problème à l'envers», déplore le meneur dans la course à la chefferie du PLQ.

Il aurait fallu selon lui chiffrer d'abord «le financement requis» des universités. «C'est l'enjeu fondamental, et je ne sais toujours pas quelle est l'évaluation du gouvernement. Dans l'augmentation de 3% par année, je veux connaître le pourcentage de la contribution des étudiants dans la hausse du financement des universités, et savoir si elle comble les besoins en financement des universités. (...). Dans la position du gouvernement précédent, la contribution étudiante allait jusqu'à 17%. Ça doit être minimalement de 12-13 % (le niveau actuel), et peut être un peu plus»,soutient-il.

Des études existent déjà sur le financementuniversitaire. Il y a celle de la CRÉPUQ, qui évalue le sous financement à 850 millions de dollars, et celle de l'économiste Pierre Fortin, qui l'évalue plutôt à environ 350 millions.

«Les bases d'analyse de M. Fortin m'apparaissent solides, car il ne regarde pas uniquement les chiffres bruts. Il examine aussi les caractéristiques de la société québécoise, dont le niveau de rémunération et le coût de la vie. L'évaluation doit être modulée en fonction de ces critères. C'est ce qu'il a fait et c'est très fiable. C'est de cette façon qu'on avait abordé l'écart de rémunération des médecins québécois avec les médecins des autres provinces», raconte-t-il.

Est-il donc d'accord avec le chiffre avancé par M. Fortin? «Je ne connais pas le fin détail, je ne veux pas aller plus loin», répond-il.

Selon M. Couillard, le débat pourrait se refaire de façon sereine. «C'est possible si on l'appuie d'abord et avant tout sur les besoins de financement des universités, et si on réalise également que les droits de scolarité ont un impact moins important qu'on ne le croit pour l'accessibilité aux études», affirme-t-il.

Les deux rivaux partagent la même critique du sommet sur l'enseignement supérieur. «Tout le débat était centré sur les droits de scolarité, et non sur les besoins de financement des universités», résume M. Bachand.

Il ne croit pas que Pauline Marois remplira sa promesse d'accorder 1,7 milliard de plus sur sept ans aux universités. «Il n'y a pas d'espace dans le cadre financier. Pauline Marois n'a pas de parole. Elle a refilé toute la partie à payer aux contribuables. Il y a une personne qui n'était pas à la table, le contribuable, et je n'augmenterai pas ses impôts pour un engagement financier qui ne peut pas être réalisé dans le cadre financier actuel. Et je ne couperai pas non plus dans les autres services publics.»