Le gouvernement Marois a déposé mardi son projet de loi destiné à créer un registre québécois des armes à feu. En attente d'une décision de la Cour d'appel, qui décrétera à la mi-mars si le Québec peut récupérer les données de l'ancien registre fédéral, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, était incapable de fournir des détails sur les conséquences de l'adoption de son projet de loi.

«L'échec n'est pas une option», a-t-il martelé. Il a bon espoir que la Cour d'appel confirmera le verdict de la Cour supérieure du Québec qui a estimé que le Québec avait le droit de réclamer les données du registre fédéral, mis au rancart en 2011.

Interrogé sur les coûts du système, M. Bergeron s'est contenté de parler de «quelques millions». Il a paru surpris quand on lui a rappelé que son prédécesseur libéral, Robert Dutil, avait établi à une quarantaine de millions le coût de la mise en place d'un registre québécois autonome.

En outre, Québec ne sait pas s'il obtiendra uniquement les données brutes d'Ottawa ou s'il aura aussi le logiciel permettant de les manipuler. «Techniquement», la requête juridique du Québec ne porte que sur les données, a-t-il convenu. Mais il a soutenu que, si le Québec l'emporte en cour, ce sera «une question de jours» avant que le nouveau système fonctionne. La première phase coûterait alors entre 3 et 5 millions, a appris La Presse.

Les Québécois devront enregistrer les armes d'épaule qu'ils achètent, et les détaillants devront tenir un registre de leur stock. Le pouvoir d'inspection et le registre resteront, comme par le passé, sous la responsabilité de la Sûreté du Québec. Le défaut d'enregistrer une arme pourra entraîner une amende de 500$ à 1000$ pour un individu.

Les policiers du Québec consultaient le registre canadien des armes mis en place par Ottawa 700 fois par jour, en moyenne. Le Québec compte 1,6 million d'armes «sans restriction», des fusils de chasse essentiellement, qui constituent 90% des armes sur le territoire.

Il en aura coûté 250 millions au Québec pour le système fédéral, «qui n'est pas un citron, qui fonctionne», a insisté le ministre Stéphane Bergeron. La spirale des coûts à Ottawa - la facture a atteint 2 milliards - sera évitée à Québec. «On ne peut pas s'attendre à ce qu'on a vu du côté fédéral, on a tiré des leçons de ce qui s'est passé.»

Les critiques du Parti libéral du Québec et de la Coalition avenir Québec en matière de sécurité publique, Robert Poëti et Jacques Duchesneau, étaient présents à la conférence de presse. Il s'agissait d'un appui «inconditionnel» à la réalisation du registre québécois, mais pas nécessairement une caution au projet de loi déposé, a nuancé M. Poëti. Selon M. Duchesneau, les coûts du nouveau registre n'entrent pas en ligne de compte s'il permet de sauver des vies.

Selon Marc Parent, chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le fait de savoir si un individu dispose d'armes est d'une grande utilité pour prévenir les cas de détresse ou établir les risques d'une opération policière. «Cela permet aux patrouilleurs d'agir de façon plus proactive. Cela permet de savoir si une personne en détresse est en danger.» Les armes utilisées dans la fusillade du collège Dawson étaient dûment enregistrées, mais dans d'autres cas, l'existence d'un registre a permis de prévenir que d'autres gestes de folie soient commis, a expliqué M. Parent.

Les représentants de Polysesouvient et de l'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) ont aussi applaudi l'annonce. Selon Bruno Marchand, de l'AQPS, le registre permettrait de réduire de 250 cas le nombre de suicides au Canada - environ le quart au Québec. Dans un foyer où on trouve une arme à feu, le risque de suicide par arme est multiplié par cinq. Le registre a permis de retirer à l'avance les armes de citoyens en détresse, a-t-il expliqué. Selon Wendy Cukier, présidente de la Coalition pour le contrôle des armes, le Québec «intervient pour protéger ses citoyens là où le gouvernement fédéral manque à son devoir».