Le gouvernement Marois veut déposer un budget avant l'ajournement des Fêtes. La commande a été passée au ministère des Finances, où les fonctionnaires vérifient la faisabilité de la «préférence» de la première ministre et de sa garde rapprochée.

Dans son message inaugural, lu à l'Assemblée nationale hier, Pauline Marois a évoqué cette avenue sur le même pied que deux autres: un simple énoncé sur la situation économique ou un «minibudget», autant de moyens de faire adopter avant le 1er janvier 2013 les changements mis de l'avant pour la «taxe santé», dont le fardeau sera remis aux plus hauts salariés.

Dans les officines gouvernementales, la lecture est différente: on envisage un budget 2013-2014 tout de suite, pour éviter un vote à l'Assemblée nationale, exercice toujours périlleux pour un gouvernement minoritaire. Au printemps prochain, le Parti libéral du Québec aura un tout nouveau chef, et il est bien difficile de prédire ce que déciderait le leader de la Coalition avenir Québec, François Legault. À cinq semaines de l'ajournement pour les Fêtes, le ministre Nicolas Marceau a tout le temps nécessaire pour préparer un budget.

«Si c'était possible, je crois que ce serait préférable» de déposer un budget tout de suite, a dit Mme Marois. «On pourrait embrasser toute la situation, dire complètement ce que nous voulons faire», a-t-elle précisé en entrevue à Radio-Canada quelques minutes après son message inaugural. Ensuite, il pourrait «y avoir des compléments d'information apportés au printemps», a-t-elle même ajouté.

Elle a justifié le dépôt d'un budget automnal par le fait que les dépenses sont plus élevées que prévu, à cause de la faible croissance économique. Une vingtaine de projets d'infrastructures coûteront 80% de plus que prévu.

»Misons sur ce qui nous rassemble»

Le message inaugural du gouvernement minoritaire a donné son plan de match, consensuel. «Misons sur ce qui nous rassemble», a dit Mme Marois en conclusion d'un discours volontairement flou sur les questions linguistiques et sur la souveraineté.

«Nous allons gouverner pour tous [...]. Nous avons la responsabilité d'agir en fonction de l'intérêt général», a-t-elle insisté, en soulignant que «le statut minoritaire du gouvernement ne doit pas nous immobiliser comme peuple».

Sur la langue, elle promet que le gouvernement «ira le plus loin possible» pour la protection du français avec une nouvelle Charte de la langue. Mais Mme Marois s'est gardée hier de rappeler explicitement son engagement électoral de soumettre l'admission au réseau collégial anglophone aux dispositions de la loi 101.

Sur la gouvernance souverainiste aussi, Pauline Marois a opté pour la discrétion, même si elle a répété le credo indépendantiste sur l'inutilité des dédoublements de ministères et d'institutions avec Ottawa. Devant le gouvernement Harper, avec «une approche constructive mais ferme», Québec défendra «âprement» ses intérêts en matière de transferts pour la santé et les services sociaux. On voudra faire appliquer à la lettre le partage des pouvoirs inscrits à la Constitution canadienne.

Pas d'affrontements

À chaque occasion, Mme Marois a manifestement choisi de ne pas provoquer d'affrontement avec quiconque. Elle a tenu des propos rassurants pour les anglophones et pour les milieux d'affaires, pour lesquels on créera le Groupe d'action ministériel pour la mise en oeuvre des projets d'investissement privé. Pour les municipalités, le projet de Mme Marois de limiter à trois le nombre de mandats consécutifs des maires avait soulevé des grincements de dents chez les élus municipaux. Mme Marois, là encore, fait un pas de côté en promettant des «discussions» avant d'aller de l'avant.

Elle n'a pas dit un mot sur le sujet litigieux de l'exploitation du gaz de schiste. Elle a mis l'accent sur l'exploitation éventuelle de gisements pétroliers au Québec, qui devront donner des redevances au secteur public. «Quand nous produirons du pétrole, ce sera pour enrichir tous les Québécois», a-t-elle promis, sans évoquer le conflit entre le Québec et le Labrador pour l'exploitation du pétrole du Golfe. On a même rassuré les policiers: les groupes d'enquête sur les bavures policières, «dirigés par des civils», compteront des «enquêteurs d'expérience», clairement des policiers actifs ou à la retraite.

Les questions sociales et d'éducation occupent une large part des engagements du gouvernement. C'était connu, un sommet se tiendra l'an prochain sur le financement des universités. Québec annoncera «très bientôt le déblocage de milliers de places» en garderie, mais l'engagement de campagne du PQ, «un enfant, une place», reste sur un horizon de quatre ans. En santé, on promet la création de 50 nouveaux groupes de médecine familiale d'ici deux ans. À ce moment, 750 000 Québécois de plus auront accès à un médecin de famille.