Le gouvernement Marois veut inciter les fonctionnaires à dénoncer les actes répréhensibles dont ils seraient témoins dans le secteur public. Il envisage d'adopter une loi pour protéger les dénonciateurs, les whistleblowers, d'éventuelles représailles.

Le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, a confirmé hier à La Presse qu'il se penche sur la question, mais n'a pas voulu donner de détails. Il a laissé entendre que la mesure ne ferait pas partie du projet de loi «sur l'intégrité en matière de contrats publics», qu'il déposera jeudi.

Dans son programme adopté en 2011, le Parti québécois (PQ) souligne qu'il veut adopter une loi afin de «protéger les agents de l'État désireux de dénoncer des malversations ou d'autres problèmes graves au sein de la fonction publique». La première ministre Pauline Marois n'a pas inscrit cette mesure dans sa plateforme électorale, mais son parti en a fait la promotion durant la campagne. «Une loi protégeant les dénonciateurs dans la fonction publique sera adoptée» si le PQ est porté au pouvoir, a-t-on affirmé dans un communiqué daté du 6 août.

Deuxième tentative

Fait peu connu, le PQ a déjà déposé un projet de loi en ce sens au moment où il était dans l'opposition. En 2009, le député Sylvain Simard, qui a quitté la vie politique plus tôt cette année, avait présenté le projet de loi 196 sur «la protection des dénonciateurs du secteur public québécois». Le gouvernement Charest n'a pas donné son aval pour que l'idée soit débattue à l'Assemblée nationale. Il n'a donc pas été adopté.

Le projet de loi visait à obliger tout dirigeant d'un organisme public ou parapublic à établir des «procédures internes» pour permettre aux employés de divulguer en toute confidentialité une contravention à la loi, un usage abusif de fonds publics ou un cas grave de mauvaise gestion, par exemple. Il prévoyait l'interdiction d'exercer des représailles contre un dénonciateur - menace, sanction disciplinaire, rétrogradation, licenciement ou toute mesure portant atteinte à ses conditions de travail.

Le PQ voulait même créer un poste de «commissaire à l'intégrité du secteur public québécois», chargé de faire respecter la loi et nommé par l'Assemblée nationale. Le commissaire aurait reçu les dénonciations des fonctionnaires, mais aussi les plaintes de ceux qui se croient victimes de représailles. Le PQ voulait donner aux enquêteurs du commissaire les pouvoirs prévus à la Loi sur les commissions d'enquête. Il souhaitait que les auteurs de représailles ou les fonctionnaires qui font des déclarations fausses soient passibles d'amendes ou même d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans.

Stéphane Bédard n'a pas voulu préciser les dispositions du projet de loi qu'il retiendrait.

En Alberta et à Ottawa

Le gouvernement albertain a déposé une loi pour protéger les dénonciateurs, hier. Ottawa en a adopté une en 2006. Quatre ans plus tard, la vérificatrice générale Sheila Fraser avait reproché à la première commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada, Christiane Ouimet, de n'avoir retenu aucune des plaintes qu'elle a reçues et d'avoir elle-même intimidé des employés. Mme Ouimet a démissionné dans la controverse.

À ce jour, un seul cas d'actes répréhensibles a été démontré à la suite d'une divulgation à Ottawa. Le commissaire Mario Dion a déposé le rapport lié à cette cause le printemps dernier. La plupart des divulgations sont jugées irrecevables.

En date du 31 mars, 21 divulgations faisaient l'objet d'une enquête et la recevabilité de 72 autres était examinée. Les trois premières plaintes au sujet de représailles ont été déposées au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs au cours de la dernière année.

Selon un groupe de défense des droits des dénonciateurs, l'Initiative pour la réforme de l'imputabilité fédérale (IRIF), la loi a des lacunes et doit être révisée.