Nouveau gouvernement, nouveaux représentants à l'étranger. L'histoire se répétera bientôt. Dans ses neuf ans au pouvoir, le gouvernement Charest a nommé plusieurs libéraux dans les délégations générales du Québec à l'étranger. Le gouvernement Marois ne sera pas en reste.

Il ne faudra pas s'étonner de voir l'ancien chef péquiste André Boisclair nommé à New York dans les prochaines semaines. Le diplômé de Harvard s'est limité cette semaine à un «pas de commentaires» bien laconique lorsqu'on l'a interrogé sur son atterrissage imminent dans la Grosse Pomme.

Dans les officines péquistes, on explique que la chef Pauline Marois avait été particulièrement soulagée de voir son prédécesseur l'appuyer publiquement dans des entrevues quand elle s'était retrouvée au coeur de la tempête, contestée par plusieurs de ses députés, à la fin de 2011. Boisclair avait de nouveau poussé à la roue durant la dernière campagne.

Il y aura bientôt un an que John Parisella, homme de confiance de Jean Charest, a quitté ce poste normalement convoité. En raison des élections imminentes à l'horizon, au début de 2012, les libéraux n'avaient pu trouver un candidat qui avait le profil nécessaire et qui souhaitait accepter ce poste avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête. New York, Paris et Londres sont des délégations où Québec nomme généralement des «politiques», des représentants dont il est connu qu'ils ont un accès privilégié au premier ministre. Bien sûr, ce n'est pas une règle absolue; des fonctionnaires, Diane Wilhelmy et Michel Robitaille par exemple, ont occupé ces postes «sensibles». Robitaille avait été nommé à New York par Lucien Bouchard puis à Paris par Jean Charest.

Un autre réseau d'influence pèse lourd dans ces nominations, celui du ministère des Relations internationales, le MRI, parfois surnommé le «mémère i» à Québec, puisque la diplomatie québécoise, parquée dans la serre chaude du Ministère, a une capacité phénoménale à produire les rumeurs les plus saugrenues. Martine Tremblay a longtemps été sous-ministre du MRI. Tout en travaillant dans une firme de «relations gouvernementales», Mme Tremblay a joué un rôle déterminant dans la mise en place de l'équipe Marois. Surtout, elle a des opinions bien arrêtées sur ces nominations à l'étranger, et elle ne se prive pas de les partager. La mission de Mme Marois à Paris la semaine dernière s'est bien déroulée, et le délégué Michel Robitaille en aura tout le mérite. D'autant plus qu'il est en bon rapport avec son ancienne patronne, Mme Tremblay.

La partie se corse

À la période des Fêtes, le deuxième acte du ballet diplomatique du gouvernement péquiste devrait se jouer. L'ancien député libéral Christos Sirros rentrera au pays, ce qui libérera le poste de Bruxelles qu'a déjà occupé la chef de cabinet de Pauline Marois, Nicole Stafford. C'est à ce moment que la partie se corsera...

Après avoir abandonné sa circonscription de Richelieu - un endroit sûr pour le Parti québécois (PQ) -, Sylvain Simard avait reçu l'engagement de Mme Marois qu'il se retrouverait rapidement rue Pergolèse, dans les meubles de la délégation générale du Québec à Paris, s'il le souhaitait. Il cédait son fief, il faut le rappeler, à Elaine Zakaïb, issue du Fonds de solidarité et protégée de Claude Blanchet, mari de Mme Marois. Simard pouvait alors espérer faire le réveillon de Noël dans les appartements lambrissés de la rue Foch. Mais bien des obstacles se sont dressés sur la route du politicien «plus français que les Français», selon ce qu'avait dit de lui l'ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin.

Robitaille n'a pas démérité, après la mission réussie de Mme Marois. Sa protectrice Martine Tremblay a fait passer le message partout. Il partira à son heure... qui pourrait bien arriver dans un avenir prévisible, toutefois. Il envisageait de terminer sa carrière à Bruxelles, car sa conjointe est belge. Or, le poste de Sirros sera libre au début de 2013. Le traité de libre-échange avec l'Europe devrait être signé d'ici là, une autre étape importante de franchie.

Mais, autre obstacle, le courant n'a jamais passé entre le nouveau ministre Jean-François Lisée et Sylvain Simard. Quand Simard était ministre des Relations internationales, le conseiller Lisée passait pour le véritable responsable des relations extérieures du Québec, et il n'avait pas beaucoup d'égards pour le ministre. Louise Beaudoin, à la Culture, se faisait même confier des missions «politiques» en France. Entre Simard et Beaudoin, la rivalité a duré bien longtemps.

Le lot, bien ingrat, du ministre Simard au MRI était les mauvaises nouvelles; c'est à lui qu'on a demandé d'annoncer la fermeture de six délégations du Québec, pour une dizaine de millions d'économies, un verre d'eau sur l'incendie du déficit zéro. Lucien Bouchard avait rétrogradé Simard aux arrière-banquettes pendant deux ans. Le premier ministre l'avait ramené en 2000 comme responsable des Relations avec les citoyens, en admettant son erreur, compte tenu des importants états de service de Simard au PQ (pendant deux décennies, il avait assuré la permanence en Outaouais, région plutôt hostile aux souverainistes).

Sylvain Simard ne sera pas nommé à Paris à temps pour le réveillon de Noël. Ce sera de la tourtière pour ce fils du Saguenay... en attendant le foie gras.