Après avoir nourri les débats publics, la commission Bouchard-Taylor a connu une petite mort au printemps dernier, quand le site internet gouvernemental qui l'hébergeait a discrètement été mis hors service.

«Non seulement le rapport a été tabletté, mais on a aussi fait disparaître la tablette», s'émeut François Fournier, sociologue et ancien analyste à la commission Bouchard-Taylor.

M. Fournier s'est rendu compte au mois de mars que l'adresse www.accommodements.qc.ca ne fonctionnait plus.

En plus du rapport de la Commission elle-même, le site hébergeait une douzaine de rapports qu'elle avait commandés ainsi que les mémoires qu'elle a reçus des citoyens. Ces documents ne sont aujourd'hui plus accessibles en ligne, au grand dam de Gérard Bouchard.

Incrédulité

«J'ai d'abord eu du mal à le croire», dit Gérard Bouchard, président de la Commission avec Charles Taylor.

«Le gouvernement a investi beaucoup d'argent dans cette opération. La société québécoise s'est elle-même investie, et les témoignages qui ont été recueillis sont très précieux. Il y a une douzaine de rapports que nous avons commandés et qui y sont associés. Je trouve surprenant que ça ne soit plus accessible, notamment le rapport lui-même», regrette M. Bouchard.

C'est une décision administrative qui a signé l'arrêt de mort du site de la Commission, au printemps dernier.

«Il y avait des coûts liés à l'hébergement, et le site était statique: il n'y a pas de mise à jour», explique André Lachapelle, directeur général du Secrétariat à la communication gouvernementale. Québec devait débourser 60$ par mois pour le site, une somme qui n'est «pas faramineuse», admet-il toutefois.

Pourtant, certaines commissions plus anciennes que la commission Bouchard-Taylor coulent encore des jours paisibles sur la Toile.

C'est le cas notamment de la commission Pronovost, sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, ou de la commission Séguin, sur le déséquilibre fiscal.

Pourquoi un tel traitement pour les accommodements raisonnables, un sujet qui fait encore régulièrement couler de l'encre?

M. Lachapelle répond qu'il s'agit d'une décision administrative et qu'une simple recherche sur Google permet de retrouver bien des informations, notamment dans les archives des sites de nouvelles.

«C'est sûr que vous trouvez des choses en faisant une recherche, même si avoir de l'information gouvernementale, c'est idéal», convient-il.

BAnQ s'en mêle

Les documents ne sont toutefois pas complètement perdus: Bibliothèques et Archives nationales du Québec (BAnQ), de son propre chef, a entamé la collecte des données du site en 2009. On peut aussi consulter les 7 m3 de documents de la Commission à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. «L'initiative de lancer un projet de collecte de sites web québécois est celle de BAnQ dans le cadre de son mandat de préservation du patrimoine documentaire; elle ne provient pas d'une demande officielle», dit Claire-Hélène Langellé, responsable des communications de BAnQ.

Mais les documents de l'ancien site de la Commission ne seront pas accessibles avant encore plusieurs mois.

Gérard Bouchard espère de son côté que les citoyens auront bientôt de nouveau accès aux documents de la Commission qu'il a coprésidée. «Je souhaite vivement que toute cette documentation redevienne disponible et soit le plus accessible possible», a-t-il dit.

Mise sur pied en 2007, la commission Bouchard-Taylor s'est penchée sur la question des accommodements raisonnables. Son rapport a nourri de vifs débats au Québec.