Malgré la promesse électorale de Pauline Marois, Québec n'abolit pas la taxe santé instaurée par le gouvernement Charest. Cette contribution sera rendue plus progressive, une nouvelle formule qui s'appliquera à compter de 2013.

Le gouvernement minoritaire de Marois dit tenir compte du verdict du 4 septembre. «Nous ne pourrons aller aussi loin qu'on le voulait pour réduire le fardeau de la taxe santé sur les contribuables», a fait savoir le ministre des Finances, Nicolas Marceau, à l'issue de la séance du Conseil des ministres. Pour lui, il s'agit d'une proposition «raisonnable, un compromis qui respecte l'esprit de l'engagement électoral: de l'oxygène aux familles de la classe moyenne, rétablir une progressivité et l'équité dans la contribution de chacun au financement de nos soins de santé». La proposition de mercredi ne change pas l'équilibre des finances publiques, car la mesure fait entrer 1 milliard par année dans les coffres du gouvernement.

La première proposition du gouvernement Marois de permettre l'abolition de la taxe santé avait soulevé un tollé dans le milieu des affaires, notamment parce qu'elle s'appuyait sur des dispositions rétroactives. «Nous avons pris le temps d'écouter et de consulter et nous avons tenu compte des objections», a dit M. Marceau, qui parle désormais d'une «contribution santé progressive» en lieu et place de «la taxe santé libérale».

Plus gourmand sur les impôts

Le ministre Marceau a aussi confirmé qu'il renonçait à augmenter l'impôt sur les gains de capital et sur les revenus de dividendes, une mesure qui lui procurait 400 millions selon le cadre financer du Parti québécois (PQ) en campagne électorale. En contrepartie, Québec sera plus gourmand pour les hausses d'impôt. Un nouveau palier d'imposition est instauré à 25,75% pour les revenus de plus de 100 000$ - la première proposition prévoyait une hausse à compter de 130 000$ seulement. L'opposition aura à décider si elle s'oppose à cette bonification pour trois millions de contribuables, a soutenu M. Marceau.

En réaction, le Parti libéral (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) n'ont pas laissé beaucoup d'espoir au ministre Marceau. D'une seule voix, ils ont a accusé le gouvernement d'avoir «trahi les contribuables». Des électeurs avaient voté pour cet «engagement fondamental» du PQ d'abolir carrément la contribution santé, a fait valoir Raymond Bachand pour l'opposition officielle. Or, pour tous ceux qui gagnent entre 40 000$ et 130 000$ par année, la contribution reste inchangée, à 200$ par année.

Pour M. Bachand comme pour le chef de la CAQ, François Legault, il n'est pas question de cautionner une formule qui s'appuie sur une hausse des impôts. Une partie de bras de fer est à prévoir. Le ministre Marceau a toutefois évité hier de dire quand il allait soumettre cette proposition dans un projet de loi à être adopté à l'Assemblée nationale. «C'est de l'improvisation», a lancé M. Bachand. Selon M. Legault, «l'économie n'est pas la force de ce gouvernement» et pour la majorité des contribuables, la nouvelle formule est identique, voire moins avantageuse que la mesure adoptée par le gouvernement Charest.

Mécanique

Le gouvernement péquiste maintient donc la taxe santé de 200$ pour tous les contribuables pour l'année 2012. À compter de 2013, le nouveau régime s'appliquera. Ceux qui gagnent moins de 18 000$ par année, soit 2,1 millions de contribuables, ne paieront rien. La contribution actuelle s'applique à compter d'un revenu de 14 400 $.

Entre 20 000$ et 40 000$ de revenus, la contribution sera fixée à 100$, une économie pour 1,8 million de Québécois. Pour les 1,8 million de contribuables qui ont des revenus de 42 000$ à 130 000$, la contribution restera de 200$, pour grimper rapidement, à 1000$, pour les 80 000 personnes qui gagnent plus de 150 000$. En tout, environ la moitié des contribuables, soit 3 millions, paieront moins à compter de l'an prochain.

Le gouvernement voulait jusqu'ici ajouter deux paliers d'imposition pour les revenus de plus de 130 000$ et de plus de 250 000$. Ce scénario est mis de côté pour une opération plus payante, qui lui procurera 320 millions de recettes. On crée un nouveau palier - on augmente de 1,75%, à 25,75%, le fardeau fiscal dès que le revenu dépasse 100 000$ par année. Comme le souhaitait la communauté des affaires, toutefois, l'addition des impôts provincial et fédéral ne dépassera pas 50%. Le taux combiné au Québec sera de 49,9%, comparativement à 49,5% pour l'Ontario. Pour un revenu de 115 000$ par exemple, la nouvelle formule signifie une augmentation de 463$ du fardeau fiscal - 263$ de plus d'impôts et le maintien de la contribution de 200$. Pour un revenu de 150 000$, l'impôt grimpe de 875$ et la contribution santé passe à 800$ pour un total de 1588$. On atteint 3600$ pour un revenu de 250 000$ et 8000$ pour un revenu de 500 000$.

Interlocuteur important du gouvernement dans cette opération, la chambre de commerce du Montréal métropolitain s'est dite «soulagée» devant l'abandon des mesures rétroactives. «Québec démontre ainsi qu'il respecte le contrat fiscal entre l'État et les citoyens», a affirmé son président, Michel Leblanc.

On se réjouit aussi de l'abandon de la hausse d'impôt sur les gains de capital, mais déplore la hausse des niveaux d'imposition pour les hauts revenus, même si on a respecté le seuil psychologique de 50%.