Les indépendantistes québécois, qui viennent de former leur gouvernement, espèrent que la France reviendra à sa position traditionnelle de «non-ingérence, non-indifférence» sur l'avenir de la province et qu'elle abandonnera le penchant procanadien de Nicolas Sarkozy.

«Maintenant que (Nicolas Sarkozy) est parti, je pense qu'on va revenir à une relation qui tire plus sur cet axe de l'accompagnement des décisions du Québec», a déclaré jeudi le nouveau ministre des Relations internationales de la province, Jean-François Lisée, qui juge «essentielle» la relation France-Québec.

Dans l'opposition depuis 2003, les souverainistes du Parti québécois (PQ) sont au pouvoir depuis mercredi. Ils succèdent au Parti libéral, chantre de l'unité du Canada.

«Sarkozy était très proche de la famille Desmarais», l'une des plus riches et influentes du pays, «très favorable au fédéralisme canadien», souligne Stéphane Paquin, politologue. «Il avait adopté leur discours, mais c'était une position insoutenable.»

Prenant de court les souverainistes québécois, Nicolas Sarkozy avait fustigé en 2009 «le besoin de division» et «l'enfermement sur soi-même» porté selon lui par le mouvement indépendantiste. Ces déclarations avaient mis fin à la position traditionnelle de la diplomatie française dans l'épineux dossier de l'indépendance du Québec.

Théorisée en 1977 sous la présidence de Valérie Giscard d'Estaing, la doctrine du «ni-ni» devait garantir la neutralité de l'Hexagone tout en assurant que Paris allait accompagner les destinées du Québec.

Cette posture devait également permettre de réparer la brouille avec Ottawa, occasionnée par le fameux «Vive le Québec libre!» lancé 10 ans plus tôt par Charles de Gaulle, alors en visite à Montréal.

«transparence et équilibre»

Avec les indépendantistes à Québec et les socialistes à Paris, il ne fait aucun doute, croit Stéphane Paquin, qu'«on va revenir à la position traditionnelle française de non-ingérence et de non-indifférence, plutôt qu'à un appui inconditionnel au fédéralisme canadien».

«On pourrait s'attendre à une petite ouverture, à un mot particulièrement chaleureux montrant la sympathie» de Paris pour les indépendantistes, avance de son côté Stéphane Roussel, politologue.

Il souligne qu'il n'existe «pas beaucoup de pommes de discorde entre la France et le Canada», mais plusieurs «opportunités commerciales». Un juteux traité de libre-échange est notamment en préparation entre l'Union européenne et le Canada.

Dans ce contexte, «il n'y a pas de raison que Paris donne l'impression de soutenir la souveraineté», fait-il remarquer.

Cela d'autant plus que l'appui à la séparation du Québec est faible dans la province: une personne sur trois voterait pour l'indépendance si un référendum avait lieu actuellement.

«Un gouvernement du PQ n'a aucunement l'intention de demander à la France quoi que ce soit sur la souveraineté, car pour le moment on ne sait pas ce qu'on fera», a noté Louise Beaudoin, ancienne ministre indépendantiste des Relations internationales.

Au quai d'Orsay, on souligne ainsi que les «relations avec les gouvernements canadien et québécois sont complémentaires». «Nous approfondirons ces liens dans la transparence et l'équilibre», dit la diplomatie française.

Proche de plusieurs dirigeants du Parti socialiste, Mme Beaudoin souligne que la formation présidentielle s'est engagée dès 2010 à revenir à la fameuse formule du «ni-ni».

Et selon une source gouvernementale française, une telle éventualité est bien à l'étude. Un retour au statu quo pourrait être annoncé dès la mi-octobre, lorsque la première ministre Pauline Marois rencontrera le président François Hollande.