Il en est des fenêtres comme des portes, il faut qu'elles soient ouvertes ou fermées. À la suite de la rupture des négociations avec les étudiants cette semaine, le gouvernement Charest se retrouve dans une situation bien critique. La «fenêtre» d'élections à court terme est fermée. La possibilité d'un scrutin tôt à l'automne deviendra désormais la saveur en vogue dans les chroniques politiques.

Déclencher des élections à très court terme, pour un scrutin en juillet, n'est pas une avenue crédible. Pourtant, Québec a encore fait circuler l'hypothèse, cette semaine, comme pour faire monter la pression sur les étudiants, les convaincre d'en arriver à une entente. Un scénario loufoque. Le vote par anticipation des complémentaires dans Argenteuil et LaFontaine se déroule en fin de semaine; difficile d'expliquer aux électeurs que leurs bulletins seront passés à la déchiqueteuse!

Des centaines de milliers de déménagements, un taux de participation anémique: le premier ministre, qui lancerait ses troupes au combat dans un tel climat, dans la fébrilité des manifestations quotidiennes à Montréal, risquerait de payer un énorme prix politique. À Montréal, les affiches des candidats libéraux n'auraient pas une très longue espérance de vie. Parmi les organisateurs libéraux, on voyait cette semaine comme un cauchemar une campagne électorale où, systématiquement, le chef du parti devrait se faufiler par des portes de service, histoire d'éviter les manifestants.

Commission Charbonneau

La «fenêtre» suivante existe: un déclenchement vers la mi-août, dans la foulée du rassemblement estival annuel des jeunes libéraux. Cinq semaines plus tard, les Québécois passent aux urnes - la commission Charbonneau devait reprendre ses travaux le 11 septembre, elle inscrit désormais le 17 sur son site web. Les risques de révélations croustillantes, susceptibles de faire dérailler la campagne, sont pratiquement nuls dans ce scénario.

Autre avantage, important pour le gouvernement, Jean Charest pourrait essayer de transformer le scrutin en quasi-plébiscite, c'est-à-dire inviter les Québécois à choisir entre les hausses qu'il préconise et le refus, tapageur et obstiné, des étudiants. Déjà, les sondages montrent qu'en région, la position du gouvernement passe mieux qu'à Montréal. Dans la région de Québec, où le PLQ risquait la panne sèche, un affrontement avec les «enfants-rois», appuyés par le PQ et les syndicats, pourrait faire recette. C'est le genre d'échafaudage que font les libéraux ces jours-ci, convaincus que Jean Charest ne peut se permettre de rater cette fenêtre de septembre, une occasion qui ne se représentera pas plus tard.

Cette avenue est bien sûr plus prometteuse pour l'instant que la stratégie de la tenue d'élections sur le Plan Nord, qui a clairement fait long feu. La dette publique a grimpé, les urgences sont encore engorgées, chaque rapport du vérificateur général soulève le voile sur le laxisme, voire le favoritisme dans la gestion des programmes. La perspective de faire une campagne électorale sur le bilan d'un gouvernement en poste depuis neuf ans n'a rien d'enthousiasmant.

Droits de scolarité

La «fenêtre» existe, il est possible de faire des droits de scolarité l'enjeu de la prochaine campagne. Il reste à voir si Jean Charest saisira cette occasion. Car dans les troupes, bien des gens voient les choses autrement. Ils se rassurent devant le retour aux affaires de Dan Gagnier, l'un des rares à pouvoir dire à Jean Charest qu'il fait fausse route, semble-t-il. Dès le retour du conseiller, Jean Charest est allé s'asseoir avec les leaders étudiants, rencontre bien fugace, mais une première tout de même depuis le début du conflit, le 13 février!

Le gouvernement Charest n'arrive pas à faire bouger l'aiguille des sondages. Même s'il calcule que sa position ferme à l'endroit des étudiants est payante en région, le gouvernement ne parvient pas à faire augmenter la satisfaction; le taux piétine toujours à 30%, à peu de choses près le niveau des intentions de vote. Même s'ils semblent, globalement, à égalité avec les péquistes, les libéraux sont en troisième place chez les francophones. Encore aujourd'hui, la perspective est sombre. Une cuisante défaite. Brian Mulroney avait été critiqué pour le naufrage de Meech, quand il avait décidé de «lancer les dés» et d'engager son gouvernement dans une stratégie préparée par ses conseillers, un scénario aussi parfait... que théorique.

En août, Jean Charest risque de se retrouver devant le même dilemme.