Le ton a monté samedi à Victoriaville au conseil général du PLQ, et ce n'était pas à cause des quelques centaines de manifestants, plus pacifiques que ceux de la veille.

Le ministre de la Justice, Jean Marc Fournier, a été piqué au vif par les journalistes qui l'ont questionné sur un manifestant qui a perdu son oeil la veille, et un autre en état critique, mais stable après avoir été atteints à la tête par un projectile.

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Pour lui, il est absolument intolérable qu'on puisse penser que le gouvernement a attendu sciemment la veille du conseil général de son parti pour refaire les ponts avec le mouvement étudiant, en grève depuis 80 jours. Alors qu'un consensus autour d'un texte se dessinait à Québec, M. Fournier a pris la mouche quand on lui a demandé s'il n'aurait pas mieux fallu négocier avant que le conflit ne pourrisse. Une telle question cherche avant tout à «cautionner la violence», juge-t-il.

«C'est une question épouvantable que vous posez. Dans une société comme la nôtre, il ne faut pas être sur la même planète. Depuis le début, on veut que les étudiants étudient, on a fait je ne sais combien d'ouvertures. La question n'a pas sa place quand on regarde les faits!» a-t-il laissé tomber.

À ses yeux, les appels au calme et les dénonciations de la violence faites par le gouvernement démontrent sa bonne foi. «La violence ne mène à rien, il faut la refuser dès le premier jour, jamais la cautionner. La question est une façon de la cautionner... Or je ne cautionne pas la violence!» a-t-il argumenté. Mélanger les questions sur les manifestants blessés et les négociations qui ont piétiné amène un «justificatif» du recours à la violence, insiste-t-il.

Plus tôt, interrogé sur le manifestant blessé, il avait soutenu : «On n'avait pas besoin de se rendre là pour prendre conscience des dangers de la violence, on le dit depuis le début».

«Droit d'utiliser la force nécessaire», dit Dutil

«C'est terrible, mais c'est un risque qui arrive quand il y a de la violence comme on a connu hier», a réagi le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.

Estime-t-il que la SQ a utilisé une force raisonnable ? «La SQ a le devoir de maintenir l'ordre dans notre société. Elle a le droit d'utiliser la force nécessaire pour la maintenir», a-t-il répondu.

«Dans notre société, quand les gens n'obtempèrent pas au devoir de maintenir l'ordre, les policiers ont une loi et ils l'appliquent», a-t-il ajouté.  

Le ministre a simplement précisé que les manifestants qui s'estiment lésés peuvent déposer une plainte au comité de déontologie policière.

Il refuse de dire que si le gouvernement avait entamé des négociations plus rapidement, de tels incidents auraient pu être évités. «Il n'y a aucune justification à la violence. Aucune. On a le droit d'être en colère, ça ne donne pas le droit de faire de la violence», a-t-il lancé.

Il affirme qu'il appréhendait des dérapages. «Depuis le début, je crains beaucoup que les violences dégénèrent. J'avais donné comme image dans ma déclaration ministérielle que la violence, c'est comme un feu. C'est facile à allumer, mais quand on vient pour l'éteindre, c'est pas mal plus difficile».

Charest réagit

Le premier ministre Jean Charest a commenté brièvement ces incidents. «Chaque fois qu'une personne subit des blessures, cela nous rappelle l'importance de respecter les autres, a-t-il indiqué en fin d'après-midi. Je ne connais pas les circonstances, on ne peut que souhaiter que cette personne soit en santé le plus rapidement possible. On a une pensée aussi pour les policiers qui sont blessés. »

«On n'a pas besoin de ça pour se rappeler que la démocratie est une valeur de notre société, durement acquise, a-t-il ajouté. On a tendance à penser que cela fait partie de nos vies. C'est la paix, le fait de pouvoir s'exprimer. Nos droits sont indissociables, le droit de manifester est indissociable du droit qu'a chaque citoyen de circuler. De tels événements nous rappellent malheureusement à quel point ces droits sont précieux.»

Trop loin, dit Thériault

Pour une première fois, un ministre a affirmé que le conflit était allé trop loin. «Si tout le monde avait manifesté sans violence, ce ne serait pas arrivé», a dit Lise Thériault, la ministre du Travail en marge du conseil général.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, a également réagi en apprenant qu'un manifestant avait gravement été blessé. «On vient de prendre connaissance de ça. Quand j'ai fait un commentaire ce matin, je ne le savais pas, je tiens à le dire.» En matinée, le ministre Bolduc avait soutenu que, comme ancien coroner, il savait bien que quelqu'un pouvait mourir à la suite de l'impact d'un débris d'asphalte ou d'une boule de billard, des projectiles utilisés par les manifestants, vendredi soir.

Il soutient ne pas savoir où a été envoyé le manifestant mal en point. «Comme ministre, je ne prendrai pas d'informations, je ne ferai pas de recherche: la confidentialité est un droit absolu. Il faut laisser faire la famille. Il faut qu'elle autorise de donner l'information. Il faut respecter cette volonté.»

Ces cas-là «sont pris en charge par des équipes spécialisées», a poursuivi M. Bolduc. «C'est un incident très, très, très regrettable, reste à espérer que la personne va bien évoluer.»