Pauline Marois et François Legault peuvent ranger au garage leur autocar de campagne. Il n'y aura pas d'élections générales à court terme, certainement pas avant l'été. La Presse a appris, de sources proches de Jean Charest, qu'il ne fera pas d'appel aux urnes dans les prochaines semaines.

Comme seul geste électoral, le Conseil des ministres donnera bientôt, dans une semaine ou deux, le feu vert à une élection complémentaire dans Argenteuil qui doit avoir lieu en juin.

Depuis quelques jours, l'ensemble du gouvernement québécois est tétanisé par des rumeurs, frénétiques, autour de l'imminence d'élections. Alimentées par les stratèges du Parti québécois (PQ) et de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui souhaitent mobiliser les troupes, les spéculations fourmillent depuis quelques jours sur le lancement d'une campagne électorale la semaine prochaine, pour un scrutin le 11 juin. «Un délire total», tranche-t-on.

Convaincus que Jean Charest veut les prendre de court, le PQ et la CAQ ont même réservé leurs coûteux autocars de campagne et commandé leur aménagement pour les besoins des chefs et des médias. La CAQ a demandé aux médias, lundi, d'inscrire les journalistes qui partiront en campagne. Le PQ doit diffuser aujourd'hui «les détails techniques» de sa campagne.

Décidé au retour de Davos

Or, les partis ne prendront pas la route de sitôt. Des sources sûres expliquent que Jean Charest a, au retour de Davos, à la fin du mois de janvier, réfléchi sérieusement au scénario d'élections au printemps. Quelques réunions seulement ont eu lieu, avec le chef de cabinet Luc Bastien, le directeur du parti, Karl Blackburn, John Parisella, ex-bras droit de Robert Bourassa tout juste de retour de New York, Michel Bissonnette, l'un des fondateurs de Zone 3, qui sera responsable de la prochaine campagne du Parti libéral (PLQ), et Luc Ouellet, patron de National à Québec, proche de Jean Charest depuis son passage au Parti conservateur. On a aussi demandé aux députés et ministres s'ils avaient l'intention de se présenter de nouveau. Le PLQ n'a guère sondé les intentions au printemps, et la plateforme électorale est loin d'être terminée.

Des élections printanières n'ont jamais été le scénario préféré de Jean Charest, assure-t-on. Il n'a jamais senti qu'il pourrait déclencher des élections après seulement trois ans et demi au pouvoir - les gens s'attendent à ce qu'un mandat dure environ quatre ans. Autre facteur qui a pesé lourd dans la balance: «Les députés libéraux sont unanimement opposés à des élections au printemps.»

Le fait que le PLQ ne soit pas prêt à s'engager en campagne électorale est un autre facteur déterminant. Aucun député libéral n'a réservé son local de campagne, aucune affiche n'est imprimée, les photos des candidats ne sont pas prises. Porte-parole du PLQ, Michel Rochette précise que seulement 40 des 125 candidats libéraux sont choisis. À deux semaines d'un déclenchement, le PLQ serait normalement beaucoup plus avancé.

Scénario «grotesque»

On rappelle également que Jean Charest n'a jamais nourri les spéculations autour d'un scrutin printanier. Encore la semaine dernière, il a écarté avec fermeté la possibilité de tenir des élections sur la question de la crise étudiante, un scénario qu'il a qualifié de «grotesque». Il était furieux, vendredi dernier, qu'on puisse croire qu'il prolonge délibérément le conflit étudiant par seul calcul politique.

Dans l'entourage de Jean Charest, on tentait aussi de calmer le jeu depuis un bon moment; l'attaché de presse Hugo D'Amours répétait à qui voulait l'entendre qu'il n'y avait pas d'élections en vue. «Quand une armée se met en marche, même si on ne la voit pas, cela fait du bruit», disait-il. Un autre proche de M. Charest, Mario Lavoie, est sans appel sur Facebook: «Il est temps de sortir de vos scénarios farfelus. Il n'y aura pas d'élections la semaine prochaine. Arrêtez de fabuler!»

Quand les élections auront-elles lieu? L'automne prochain est toujours possible, mais Jean Charest préférerait faire campagne après le budget du printemps 2013, assure-t-on. Le Québec sera alors la première province à regagner l'équilibre budgétaire, avant même, par exemple, que l'Ontario ait établi la façon de sortir de l'encre rouge.

Les disciples de M. Charest refusent de spéculer sur la «réflexion» qu'il ferait sur son avenir si les sondages demeurent aussi mauvais pour le PLQ - le gouvernement Charest atteint un taux record d'insatisfaction depuis quatre mois, au-delà de 70%.

La fin de semaine prochaine, en conseil général à Victoriaville, Jean Charest n'utilisera pas une tribune partisane pour annoncer la décision du gouvernement pour régler le conflit avec les étudiants. La question sera probablement abordée dans un atelier samedi, auquel il participera avec les ministres Line Beauchamp et Raymond Bachand.