À l'approche de l'échéance électorale, le gouvernement Charest réserve une mauvaise surprise à ses hauts fonctionnaires. Ceux qui s'attendaient à bénéficier d'un boni au rendement pour l'année qui vient de se terminer devront s'en passer. Le Conseil des ministres a décrété cette semaine que personne n'aurait de prime de rendement.

La façon choisie pour ne pas avoir à fournir d'explications embarrassantes ajoutera aux frustrations des mandarins. Gilles Paquin, secrétaire du conseil exécutif et patron de tous les fonctionnaires, a annulé le forum mensuel des sous-ministres qui devait se tenir jeudi. La présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a mis tout son poids politique pour que cette mesure, hautement symbolique, soit adoptée rapidement, a-t-on appris.

Le décret 326, que La Presse a obtenu, précise que pour les hauts fonctionnaires nommés par le gouvernement, «le maximum de la grille des pourcentages de boni au rendement correspond à 0 % pour toute cote d'évaluation obtenue pour l'année de référence du 1er avril au 31 mars 2012». La prime peut atteindre 10 % du salaire en temps normal.

Les sous-ministres, sous-ministres adjoints, présidents et vice-présidents d'organismes gouvernementaux, pour l'essentiel tous ceux qui sont nommés par le Conseil des ministres, sont visés. Environ 700 personnes de la haute fonction publique apprennent une fois l'année terminée que, quel que soit leur «rendement» des 12 derniers mois, ils n'auront pas de boni. Le geste est surprenant: à quelques mois des élections, il est rare qu'un gouvernement fasse un geste qui risque de lui mettre à dos sa fonction publique.

Ironiquement, quand il a éliminé une première fois ces primes pour les hauts fonctionnaires et l'ensemble des cadres, avec la loi 100 en 2010, le ministre des Finances, Raymond Bachand, s'est fait un point d'honneur de laisser les primes de 2009 intouchées. «Ces nouvelles mesures ne s'appliqueront pas rétroactivement: ceux qui ont atteint leurs objectifs et mérité leur prime en 2009 y auront droit cette année, contrairement à ce que l'opposition aurait fait, soit de couper des primes dûment acquises», a soutenu M. Bachand il y a deux ans.

Le sort des dirigeants de sociétés commerciales, comme Hydro-Québec, Loto-Québec et Investissement Québec, est moins clair. Les présidents choisis par le Québec risquent de devoir se serrer la ceinture, mais les subalternes, choisis par le conseil d'administration, seraient épargnés, estime un mandarin habitué au jargon du conseil exécutif. Le décret de mercredi fait référence à une précédente décision, datant de 2007, qui incluait les «dirigeants d'une entreprise du gouvernement», donc les sociétés commerciales. Mais ces patrons sont déjà touchés par un décret qui ampute de 10 % leurs primes au rendement.

Les dirigeants des réseaux de la santé et de l'éducation ne seront pas touchés par la mesure qui abolit la prime cette année. L'ensemble des «cadres» du gouvernement échappe aussi au décret, mais ils étaient déjà touchés par la suspension de primes imposée par la loi 100 sur le retour à l'équilibre budgétaire, adoptée en 2010. On évaluait alors à 34 millions par année l'économie résultant de l'abolition des primes au rendement pour les hauts fonctionnaires et l'ensemble des cadres. Il restera à voir si on tendra aussi la main aux cadres pour se rendre à l'an prochain, au budget de «l'équilibre budgétaire».

Des sources fiables ont indiqué à La Presse qu'il faudra aussi appliquer un remède de cheval pour les employés des cabinets politiques, mais cela pourrait bien être symbolique; ceux-ci n'ont pas de prime au rendement prévue dans leurs conditions d'emploi.