Député libéral depuis près de 10 ans dans Vimont, Vincent Auclair ne sollicitera pas un autre mandat. «Je ne dis pas que je ne retournerai jamais en politique, mais à 46 ans, je veux retourner à la vie privée», explique-t-il à La Presse. Son départ était attendu. Il a vécu des moments très difficiles quand, il y a 18 mois, il a déclaré la guerre au puissant maire de Laval, Gilles Vaillancourt, en révélant qu'il lui avait offert de l'argent pour une campagne électorale. Jean Charest a pris fait et cause pour son député.

Ces départs annoncés seront nombreux, au cours des prochains mois, parmi les libéraux. Dans le huis clos du caucus, la semaine dernière à Victoriaville, Jean Charest a prévenu ses députés que ceux qui pensent passer la main devront la lever très bientôt. Le Parti libéral (PLQ) doit dresser la liste des combattants avant même de songer au combat électoral.

Des absents de taille

Beaucoup d'élus ne seront pas candidats, dont plusieurs ministres: Michelle Courchesne, qui ne se fait pas prier pour dire qu'elle va passer à autre chose, Norm MacMillan et Yvon Vallières, qui ont déjà eu des ennuis de santé, ne solliciteront pas de nouveau mandat. «Si les élections étaient déclenchées demain, je me représenterais... Sinon, on verra», a dit M. Vallières. Julie Boulet tient un double langage, mais ceux qui la côtoient voient qu'elle est au bout du rouleau, elle qui est aux prises avec une circonscription frappée par le chômage. Robert Dutil vient de faire une tournée des officiers de haut rang de la Sûreté du Québec. À son discours, plusieurs ont compris qu'il ne resterait pas longtemps en politique. Plusieurs députés n'ont plus le goût du combat; l'ex-ministre Yvon Marcoux, Michel Pigeon à Québec, par exemple.

Même si Jean Charest pousse la machine pour garder ouverte une «fenêtre» électorale avant l'été, bien des élus libéraux ne voient pas du tout la chose du même oeil. Et ils restent dubitatifs quand les apparatchiks du parti font miroiter des sondages selon lesquels le PLQ paraît à égalité avec le Parti québécois et la Coalition avenir Québec. Ces résultats cachent un retard important des libéraux auprès des francophones. Les élus voient surtout la proportion quasi sans précédent d'électeurs insatisfaits du gouvernement.

Par ailleurs, le dernier caucus des libéraux, à Victoriaville, a été un moment difficile pour le directeur du parti, Karl Blackburn, venu aiguillonner les députés avec ses scénarios d'élections générales. Plusieurs, a-t-on confié, lui ont fait savoir sans détour que le parti était loin d'être prêt pour des élections. «Il n'y a pas de presse!», a laissé tomber un vétéran. M. Blackburn ne fait pas du tout l'unanimité, surtout depuis que le PLQ a «échappé» l'élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata. Son passage dans Bonaventure, pour l'autre complémentaire, a suscité des frictions avec les bénévoles.

Carte électorale

Les changements récents à la carte électorale sont loin d'être intégrés à la machine du PLQ. Pas question d'accélérer les choses en ce qui concerne les assemblées d'investiture, un signe probant d'élections prochaines. Un élu jette une lumière crue sur le problème: «Avec les changements à la carte, une bonne partie de mon exécutif libéral ne réside même plus dans ma circonscription!»

Les conséquences ne sont pas théoriques; Norbert Morin, dans Montmagny, reçoit Kamouraska, localité plutôt péquiste, Raymond Bernier, dans Montmorency, perd la Côte-de-Beaupré au profit de Pauline Marois, qui n'a que faire de ces électeurs libéraux. Quant à Yvon Vallières, il voit «imploser» la circonscription où il est élu depuis 1973.

À Québec, Jean Charest pousse pour un budget hâtif, dès le 22 mars - attendre une semaine de plus signifierait que l'adoption à l'Assemblée nationale ne se ferait qu'après le 17 avril, au retour du congé pascal. La «fenêtre» d'un scrutin «avant l'été» reste bien théorique, liée à un renversement spectaculaire de la tendance dans les sondages. Certains ont vu un signe quand Jean Charest a sacrifié deux dimanches à des annonces gouvernementales - il y a plusieurs mois que le «bunker» sollicite les ministères pour des annonces dominicales, qui assurent un maximum de visibilité -, une idée brevetée par la CSN.

Bien sûr, il y a la commission Charbonneau, mais on peut parier qu'aucun témoin ne sera entendu avant l'été; on invitera dans un premier temps «participants», «intervenants» et observateurs à se manifester, avant l'ouverture des travaux, au courant de l'automne. Les journalistes ne doivent pas acheter de piscine à l'été en misant sur les heures supplémentaires d'une campagne électorale, a prévenu Jean Charest. Ils ne devraient pas non plus planifier de voyage à la fête du Travail; les élections pourraient bien tomber très tôt, en septembre.