C'était comme une mise en jeu. Celle de la dernière joute parlementaire avant les prochaines élections, qu'elles aient lieu juste avant ou après l'été. À la reprise des travaux à l'Assemblée nationale, hier, les échanges ont vite pris l'allure d'une répétition générale avant le combat.

Pauline Marois s'est finalement décidée à attaquer le Plan Nord, au coeur de la stratégie de Jean Charest pour reconquérir un électorat chroniquement insatisfait. Cascade des fermetures d'usine, records de création d'emplois - péquistes et libéraux ont enclenché leur prévisible guerre de chiffres. «Confusion» plutôt que «Coalition», Jean Charest a abattu une de ses cartes des prochaines semaines. Réduits à un strapontin dans le «salon de la race», privés de reconnaissance et déçus, les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) partent tout de suite en campagne, dans les régions.

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Les CPE


Une autre journée de grève frappe aujourd'hui 185 centres de la petite enfance (CPE) syndiqués à la CSN. Et à moins d'un revirement, les éducatrices de 165 autres CPE vont débrayer demain. Hier, Québec a envoyé des signaux contradictoires pour réagir aux moyens de pression. L'attaché de presse de la ministre de la Famille, Yolande James, a d'abord affirmé à l'agence QMI que le gouvernement va «prendre ses responsabilités» et qu'il «n'écarte plus d'options». Il a ainsi laissé planer la menace d'une loi spéciale pour imposer les conditions de travail des éducatrices. Mais un peu plus tard, Mme James a adopté un tout autre ton. «On n'est pas au stade» d'envisager une loi spéciale, a-t-elle assuré. «La meilleure chose pour les parents, c'est d'en arriver à une entente négociée.»

Elle estime que des «progrès importants» ont été faits à la table de négociation. Et pourtant, lundi soir, l'association patronale des CPE a quitté la table de négociation et n'était toujours pas de retour en fin d'après-midi hier. «La partie patronale fait des revendications au gouvernement. Ce que je peux vous dire, c'est que la discussion se poursuit», s'est contentée de dire Mme James. Selon elle, les négociations sont «complexes» car elles concernent trois acteurs: les éducatrices, les CPE et le gouvernement. - Tommy Chouinard

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L'économie

La récente hausse du taux de chômage donne des munitions à l'opposition, qui attaque le premier ministre Charest sur son terrain de prédilection: l'économie. Le PQ accuse M. Charest de «vivre en 2009». M. Charest se félicitait que le Québec se soit mieux tiré de la crise que ses voisins. Mais la situation s'est détériorée, soutient le critique du PQ en matière de finances, Nicolas Marceau.

Québec a perdu 51 000 emplois en 2011 et sa croissance économique est arrivée au huitième rang des provinces canadiennes, rappelle-t-il. Le taux de chômage dépasse maintenant 8%. La CAQ a aussi brossé un portrait tout en noir. Son député Gérard Deltell indique que si le Québec était un pays, sa dette serait la cinquième en importance des membres de l'OCDE. «Jamais un gouvernement n'a autant endetté le Québec», a-t-il accusé. Mais grâce au Fonds des générations, la dette passera en 2025 de 55% à 45% du PIB, rétorque le ministre des Finances, Raymond Bachand. «C'est un niveau raisonnable de dette, et l'ensemble des agences de crédit salue notre détermination», assure-t-il. - Paul Journet

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Le Plan Nord

Le gouvernement a passé le début de l'année à promouvoir son Plan Nord en multipliant les rencontres et conférences de presse. Il espère maintenant faire adopter trois projets de loi qui y sont liés: la réforme de la Loi sur les mines (PL14), la création de la Société du Plan Nord (PL27) et le projet de loi à venir sur la protection de 50% du territoire au nord du 48e parallèle. Le gouvernement Charest accuse le Parti québécois (PQ) de faire de «l'obstruction» et de retarder l'adoption le PL14.

Le PQ dénonce ce projet de loi, car il ne prévoit pas de nouvelle hausse des redevances, ne traite pas du gaz de schiste et ne contraint pas les sociétés minières à transformer la ressource en sol québécois. «Le Plan Nord, c'est un plan de marketing», a martelé hier Pauline Marois. La phrase risque d'être répétée sans relâche dans les prochaines semaines. «À l'approche des élections, c'est rendu que les discours du premier ministre sont commandités par les minières», a-t-elle accusé, en faisant référence entre autres à un événement de promotion du Plan Nord, lundi dernier, qu'a commandité ArcelorMittal. - Paul Journet

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La CAQ

Réduits au rôle de figurants à l'Assemblée nationale, les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) comptent sillonner le Québec au cours des prochaines semaines pour faire la promotion du programme du nouveau parti.

«Encore une fois, les vieux partis refusent de nous reconnaître. Mais la reconnaissance qui est importante, c'est celle de la population et on le verra lors de la prochaine campagne électorale», a soutenu hier François Legault, quelques minutes après que le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, eut affirmé que les élus de la CAQ allaient être considérés comme des «indépendants». «Les neuf députés et moi, on sera continuellement sur le terrain, dans les 17 régions du Québec, pour faire connaître nos propositions», a prévenu M. Legault.

Les députés de la CAQ auront grosso modo une question par séance à l'Assemblée nationale, mais feraient de la figuration en commission parlementaire. «Ils auraient quelques secondes pour interroger MM. Sabia ou Vandal», a dénoncé hier M. Legault. Devant Gérard Deltell, Jean Charest a tiré ses premiers boulets vers un caquiste. Il a indiqué que M. Legault était favorable à des déficits plus élevés, mais que son parti est contre l'augmentation de la dette publique. «Confusion ou Coalition?», a lancé M. Charest. Des faussetés, a répliqué François Legault. - Denis Lessard