À compter d'aujourd'hui, et jusqu'au 19 janvier, les 2500 membres de l'Action démocratique du Québec (ADQ) se prononcent sur la fusion de leur parti avec la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault. Ce mariage divise les adéquistes. Pour le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, «les véritables forces du changement doivent s'unir».

Q Le vote par la poste commence. Êtes-vous nerveux?

R Non. On n'a pas fait ça sur un coup de tête. Ça fait plus d'un an que l'idée de la Coalition est dans l'air. Ça fait plus de six mois que c'est dans le débat public, la question est de savoir si oui ou non on ferait une fusion avec la Coalition. Depuis le début, j'ai dit: laissons la coalition faire son travail et, après, on verra si on peut s'entendre sur une fusion potentielle. (...) J'invite tous les membres à voter, qu'on soit pour, qu'on soit contre. C'est une occasion unique et extraordinaire de se prononcer sur l'avenir du parti.

Q Craignez-vous qu'il y ait un désintérêt de la part des membres?

R Je ne crois pas. Les gens qui sont là sont membres pour vrai. Ils y croient, ils sont vraiment boulonnés au parti.

Q Un groupe, Restons ADQ, s'oppose à la fusion et réunit entre autres le président de la commission politique, Claude Garcia, le vice-président, Adrien Pouliot, et le président de l'aile jeunesse, Denis Claveau. Ils avancent que vous ne respectez pas les membres. Ils refusent que l'ADQ disparaisse...

R L'ADQ ne disparaît pas! L'ADQ fusionne avec un autre parti. Et l'exercice est hautement démocratique. Tous les membres sont appelés à se prononcer sur l'entente qui a été conclue le 12 décembre et qui a été endossée par le bureau de direction. On n'a pas fait ça en cachette. Et ce n'est pas sorti d'une boîte de Cracker Jack. (...) Les discussions avec la Coalition ont porté sur les idées. Et les idées de l'ADQ, on les retrouve dans l'entente avec la Coalition.

Q Mais les opposants disent que la philosophie adéquiste, de centre droit, et celle de la Coalition sont incompatibles...

R C'est une vision que je ne partage pas, mais que je respecte. Je ne suis pas un démocrate à géométrie variable, et j'accepte le débat public qui se déroule actuellement. Mais ce n'est pas la vison que j'ai. Pourquoi? Dans les 20 éléments du plan d'action de la Coalition, il y en a une douzaine qui est du copier-coller de notre programme électoral de 2007-2008. Les autres éléments qui ne sont pas du copier-coller, on ne peut être contre. Un médecin de famille par citoyen? Ça va de soi. Un commissaire à l'intégrité? On a été les premiers à réclamer une commission d'enquête publique. On est d'accord avec la philosophie de la Coalition qui est de mieux gérer, de s'attaquer à la dette, d'avoir moins de bureaucratie. La Coalition propose l'abolition des commissions scolaires et des agences de santé. Ça vient de chez nous!

Q Mais pourquoi certains militants adéquistes ne voient-ils pas ça du même oeil et sont même en voie de créer un autre parti de droite, l'Équipe autonomiste?

R On verra ce qu'ils veulent faire. J'ai cru comprendre qu'il y a un léger flou par rapport à ça. Certains (opposants à la fusion) veulent faire un autre parti, d'autres non. Ça leur appartient. Je respecte le débat public. Mais sur le fond, il y a la pensée adéquiste à l'intérieur de la Coalition. Ce n'est pas rien les gains qui ont été faits.

Q Reste que les engagements pris par M. Legault à l'égard de l'ADQ et qui se trouvent dans l'entente sont peu contraignants: on fait référence à l'autonomisme, on parle de lancer un projet-pilote pour permettre à des médecins de pratiquer à la fois dans le public et le privé, on parle d'étudier la possibilité de donner 100$ par semaine pour chaque enfant qui ne fréquente pas les garderies subventionnées...

R Sur l'autonomie, c'est du copier-coller de ce qu'on a dans le programme électoral. L'idée, c'est de revendiquer pleinement nos pouvoirs à l'intérieur du cadre canadien. Sur le privé en santé, on parle d'un changement majeur. Et on ne fait pas un changement majeur sans y aller une étape à la fois. Je rappelle que c'est la première fois qu 'un parti politique autre que l'Action démocratique épouse le concept de la mixité public-privé de la pratique médicale. Et M. Legault est prêt à faire ce pas-là.

Q Et il a donné le dossier au Dr Gaétan Barrette qui n'est pas chaud à l'idée...

R Écoutez... M. Barrette... Ce que je sais, c'est que, nous, nous sommes là, à l'Action démocratique, qu'il y a un projet de fusion et qu'il y a une entente de principe dans laquelle c'est bel et bien écrit que la Coalition s'engage à mener un projet pilote. Je ne sais pas ce qu'on peut avoir de plus. Et concernant le 100$, ce que prévoit l'entente, c'est évaluer si financièrement on a les moyens de faire ça. Il n'y a pas plus adéquiste que ça comme réflexion. Alors que depuis toujours tous les partis étaient fermés à l'idée, la Coalition ouvre la porte. (...) Quand on regarde les faits froidement, on constate que les idées de l'Action démocratique sont présentes dans la Coalition.

Q Vous parlez de regarder les choses froidement. Est-ce que, au fond, selon vous, c'était soit la CAQ, soit l'abattoir aux prochaines élections?

R Absolument pas. Non, non. La question de l'abattoir n'existe pas. La question était de savoir si on pouvait s'entendre sur les idées. Si on ne s'était pas entendu, on aurait continué notre travail.

Q Si la fusion est acceptée, vous allez devenir chef d'une aile parlementaire qui va compter des députés qui étaient tout récemment au PQ, donc souverainistes, et d'autres qui ont claqué la porte de l'ADQ avec fracas en 2009. Ce sera facile de s'entendre?

R Je crois que oui, car les gens savent à quoi s'attendre. Les gens savent quels sont les textes, les mots, les arguments de la Coalition. Mais c'est clair aussi que comme dans tout parti politique, il va y avoir des débats. C'est pour ça que je dis aux gens de l'Action démocratique de profiter de cette occasion pour défendre les idées de l'Action démocratique à l'intérieur de la Coalition. Si on n'est pas là, on ne pourra pas défendre nos idées. Mais si nous y sommes en grand nombre, on pourra engager le débat.