Préoccupé par les constats du vérificateur général, le Commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, a décidé de se pencher sur l'attribution de 18 000 places subventionnées en garderie en 2008. Il «examine les suites que l'Unité permanente anticorruption (UPAC) pourrait donner» au rapport de Renaud Lachance.

«L'intégrité du système public est au coeur de mon mandat de Commissaire à la lutte contre la corruption. Les constats du vérificateur général sont suffisamment préoccupants pour que je demande à mon équipe d'amasser et d'analyser les informations pertinentes pour déterminer s'il y a ou non matière à enquête dans le cadre de la Loi concernant la lutte contre la corruption», affirme Robert Lafrenière dans un communiqué de presse publié en fin d'après-midi jeudi.

C'est une autre tuile qui s'abat sur la ministre de la Famille de l'époque, Michelle Courchesne, aujourd'hui présidente du Conseil du Trésor. Le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec l'accusent de favoritisme à l'égard de donateurs libéraux et réclament sa tête. Le cofondateur de la Coalition avenir Québec, François Legault, se joint au concert de critiques et demande lui aussi sa démission.

Dans un rapport percutant déposé à l'Assemblée nationale mercredi, Renaud Lachance affirme que le processus d'attribution des places en 2008 a manqué de rigueur et «a laissé une grande place à la subjectivité». Mme Courchesne est allée à l'encontre de l'avis de ses fonctionnaires pour 21% des projets qu'elle a retenus. Cela représente 85 projets - 3700 places - présentés parfois par des donateurs libéraux. Et à l'inverse, la ministre a rejeté des projets totalisant 3500 places qui étaient recommandés par ses fonctionnaires.

Québec a rendu publique mercredi la liste des 85 projets de CPE et de garderies privées rejetés par les fonctionnaires mais tout de même choisis par Mme Courchesne. Au cours de la période des questions à l'Assemblée nationale jeudi, le député péquiste Nicolas Girard a indiqué que, des 38 projets de garderies privées retenus, les deux tiers, 25, provenaient de donateurs libéraux.

Le PQ estime que 42 donateurs libéraux sont liés aux 25 projets. Ils ont versé au total 292 480$ à la caisse du Parti libéral entre 2003 et 2008. Par exemple, Michelle Courchesne a donné le feu vert à deux projets de garderies liés aux frères Cola, qui étaient propriétaires de l'abattoir Colbex et qui ont donné, avec des membres de leur famille, 141 500$ au PLQ. Dans sa compilation, le PQ inclut également un projet dans Lanaudière dont le promoteur n'a versé que 210$ au PLQ. On parle toutefois de dons totalisant plusieurs milliers de dollars pour la majorité des 25 projets. Mme Courchenesne a accordé 130 places à Joe Magri, ami d'enfance de Tony Tomassi, expulsé du caucus libéral l'an dernier. Dans les Laurentides, les quatre projets choisis par la ministre venaient de promoteurs ayant contribué à la caisse électorale du PLQ.

«Est-ce qu'on doit comprendre que le système de financement du PLQ pour les garderies fonctionnait de la façon suivante: la députée de Fabre (Mme Courchesne) octroyait les places, puis le député de Lafontaine (M. Tomassi) collectait?», a lancé M. Girard.

L'actuelle ministre de la Famille, Yolande James, a répliqué que «personne ne doute de la grande compétence du dévouement et surtout de l'intégrité» de Michelle Courchesne. Elle a fait valoir que trois députés péquistes avaient demandé à sa collègue de choisir trois projets de CPE - à but non lucratif - même s'ils avaient été rejetés par les fonctionnaires. La ministre avait acquiescé à leur demande. Notons toutefois que si le projet pour lequel M.Girard est intervenu provenait d'un CPE de sa circonscription, la nouvelle installation de 60 places a ouvert ses portes dans la circonscription libérale de Laurier-Dorion.

Nicolas Girard a répondu que le PQ «n'a jamais pensé qu'on pourrait demander des places en échange de financement. C'est exactement ce que le Parti libéral a fait».

De son côté, François Legault se demande si le bureau de M. Charest est intervenu dans l'octroi de places pour favoriser des donateurs. Si c'est le cas, le premier ministre lui-même doit quitter ses fonctions, a-t-il expliqué à La Presse. «Quelqu'un doit payer pour ce cafouillage. Ou c'est le premier ministre ou c'est Michelle Courchesne qui, par responsabilité ministérielle, doit démissionner. Les Québécois sont tannés qu'avec ce gouvernement, il n'y a jamais personne de responsable lorsqu'il y a cafouillage.»