Avant de quitter la politique en juin 2009, François Legault affichait son impatience de faire du Québec un pays, selon le député péquiste Nicolas Marceau.

Ce dernier, un économiste de formation, a bien connu le chef de la Coalition pour l'avenir du Québec durant les années 2000, à l'époque où M. Legault préparait son «Budget de l'An 1», paru en 2005.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, il a dit être estomaqué par la conversion de M. Legault sur la question nationale, puisque ce dernier se présentait alors comme un souverainiste «aux convictions profondes», pressé de tenir un référendum quand le Parti québécois reprendrait le pouvoir.

Son document vantant les avantages d'un Québec souverain, surnommé «Budget de l'An 1», devait justement servir à accélérer les choses, en éliminant les derniers obstacles à la souveraineté, raconte M. Marceau, qui a succédé à M. Legault dans la circonscription de Rousseau, en septembre 2009.

«En 2007 et en 2008, j'ai eu des conversations avec François Legault et il était le plus pressé de tous» de faire la souveraineté, assure celui qui faisait partie des cinq experts choisis par M. Legault pour valider les données et les conclusions de son document.

«C'était pas celui qui disait: wo! wo! wo!», quand il était question de souveraineté et de référendum, illustre M. Marceau. Au contraire, selon lui, «il était très convaincu et très convaincant».

En 2003, dès que le PQ s'est retrouvé dans l'opposition, François Legault, critique en matière de finances, a réussi à convaincre son chef, Bernard Landry, de mener une étude visant à démontrer que le Québec était tout à fait viable, sur le plan financier, s'il devenait un pays.

Une première tentative péquiste de «Budget de l'an 1» avait été faite par Jacques Parizeau, en 1973, trois ans avant que les souverainistes prennent le pouvoir. L'idée consistait à éliminer les arguments de nature économique et financière que pouvaient brandir les fédéralistes pour nuire aux souverainistes.

Au terme de 18 mois de travaux, M. Legault a publié en mai 2005 le résultat de son étude, intitulée «Finances d'un Québec souverain», un document d'une cinquantaine de pages.

Sa conclusion: en éliminant les chevauchements et en rapatriant tous les impôts et taxes versés à Ottawa, le Québec souverain pourrait engranger des surplus de l'ordre de 17 milliards $ en cinq ans, dégageant du coup «une importante marge de manoeuvre budgétaire».

M. Legault en concluait que non seulement le Québec souverain était financièrement viable, mais que son appartenance au Canada constituait un handicap sérieux.

«Dans l'état actuel des choses, les gouvernements provinciaux au Québec sont presque réduits à l'impuissance. La situation ne s'améliorera pas dans un avenir prévisible. Les chiffres sont implacables. Les gouvernements de la province de Québec, quelle que soit leur couleur politique, vont continuer à marcher sur la corde raide», écrivait-il, en préface de son document.

Déjà, à l'époque, sa priorité était l'éducation et il ne voyait pas non plus comment le Québec pouvait s'attaquer aux problèmes, dont ceux du décrochage scolaire et d'un accès égal pour tous, sans être un pays souverain.

«Il est difficile de concevoir comment ce projet pourra voir le jour tant que le Québec ne disposera ni des moyens ni de la liberté pour faire ses propres choix», écrivait-il.

Aujourd'hui à la tête de la Coalition pour l'avenir du Québec, qui annonce lundi son plan d'action à Québec, M. Legault croit pouvoir respecter ses engagements, tout en dirigeant une province.

Il ne parle plus de souveraineté et exclut d'emblée, au moins pour une décennie, tout référendum sur la question, ouvrant ainsi toute grande la porte de sa coalition aux fédéralistes.

«Si le Québec était ingouvernable, il y a quatre ans, en tant que province, parce qu'il nous manquait la moitié de nos outils, c'est difficile de comprendre que tout d'un coup ce soit devenu possible», commente Nicolas Marceau, qui a été associé dès le début au projet de «Budget de l'An 1» et s'explique encore mal le «mystérieux» parcours de son prédécesseur sur la question nationale.

Le choix offert aux Québécois, lors de la prochaine élection, sera donc clair, écrivait encore M. Legault en 2005: «La population du Québec aura alors à trancher entre deux scénarios: celui de la province de Québec privée des moyens et des leviers décisionnels pour son développement et celui d'un Québec souverain qui aura la marge de manoeuvre et la liberté politique nécessaires pour se doter d'un projet de société crédible et emballant, celui d'un pays plus prospère et plus solidaire.»

Par ailleurs, l'arrivée du parti de François Legault ne laisse pas le PQ indifférent. Trois députés péquistes - Bertrand St-Arnaud (Chambly), Martine Ouellet (Vachon) et Carole Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) - ont tenu une conférence de presse, dimanche, pour dire aux électeurs qu'ils doivent se méfier du «mirage» François Legault.