On connaissait le cauchemar informatique du Dossier santé Québec. Le ministère de la Santé connaît autant de déboires avec un autre projet: Panorama, système destiné à l'Institut national de santé publique, bat de l'aile lui aussi.

Il y a quelques semaines, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a annoncé que la réalisation du projet DSQ, qui devait durer cinq ans pour une livraison en 2010, allait nécessiter cinq ans de plus. Panorama, qui devait à la fois gérer les inventaires de vaccins et surtout rassembler les informations sur les vaccins reçus par les patients, a été lancé en 2007. On comptait mettre «deux ou trois ans» à sa réalisation, a expliqué à La Presse le Dr Horacio Heruda, directeur de la protection de la santé publique.

«Le projet se déroule comme les projets d'informatique complexes. Ce n'est jamais simple, on trouve toujours des pépins à l'implantation, et dans ce cas, l'arrimage avec l'ensemble des autres provinces ajoute à la complexité», résume-t-il.

Mais l'échéancier revu porte à 2014 la réalisation du projet.

Les décaissements se font au fur et à mesure que Québec peut montrer que son système fonctionne. Le fédéral devrait payer 16,4 millions pour l'ensemble du programme, mais au mois de mars, seulement 2,4 millions avaient pu être versés. Le projet au total, au Québec, coûtera 22,3 millions - au 31 mars, 12 millions avaient été dépensés.

Les dérapages informatiques ne sont pas l'apanage du réseau de la santé. Québec se débat depuis des années avec le deuxième volet du programme Sagir. Le premier visait à informatiser les achats gouvernementaux. Le second, bien plus complexe, porte sur la gestion des ressources humaines, et permettra un jour de produire la paie et de comptabiliser les vacances.

Critiques

À propos de Panorama, les critiques affluent dans les officines gouvernementales. Le coeur du système, un logiciel produit par IBM pour la Colombie-Britannique, connaissait plusieurs problèmes - le vérificateur général du Québec a observé, à la fin de 2009, «plus d'un millier d'anomalies à corriger dont plusieurs spécifiques à la version française». Même s'il fonctionnait, le logiciel serait un cauchemar sur le plan ergonomique, confie-t-on.

Selon le Dr Heruda, le besoin d'informatiser les armes contre les maladies infectieuses est apparu avec l'épidémie de SRAS en Ontario. Depuis 2004-2005, le Québec est déterminé à informatiser ses interventions de santé publique - déclaration de maladie obligatoire et registre des vaccinations.

La solution adoptée est très complexe, et elle comportera trois modules: la protection, l'immunisation et la gestion des vaccins.

Au début, on prévoyait fonctionner à 60% en utilisant des logiciels existants. «Il s'est avéré que les processus ont été beaucoup plus longs en développement» et le produit final nécessitera finalement 60% de nouvelle programmation.

«Le projet a dû être réécrit plusieurs fois parce que la solution n'arrivait pas en temps du fédéral. Il a fallu reconfigurer, reparamétrer le projet», explique le spécialiste.

Les bogues sont inévitables pour des projets de cette complexité, convient le Dr Heruda. «Il y a un décalage entre l'arrivée de la version française adéquate et la version anglaise. Comme dans toute nouvelle solution, il y a des bogues, mais pas plus qu'attendu.»

«Ce qui a entraîné le délai dans Panorama, c'est la création de la solution pancanadienne», poursuit le Dr Heruda. Les retards du DSQ ne sont pas en cause, ce n'est qu'en bout de processus que le tout devait s'arrimer avec la mégabase de données que constituera le Dossier Santé Québec.

Pour gérer les inventaires de vaccins, un projet pilote pourra être lancé dans Chaudière-Appalaches, à l'automne prochain. Pour le registre - le carnet de vaccination informatisé -, il faudra attendre 2014.