Les libéraux de Jean Charest ont été secoués par l'éviction de Tony Tomassi du conseil des ministres et du caucus libéral, jeudi, et peu d'entre eux étaient prêts à commenter la situation. Un des seuls membres du gouvernement à l'avoir fait, vendredi, a été le ministre de la Santé, Yves Bolduc, qui a convenu que le gouvernement était en déficit de crédibilité auprès de la population, à la suite de l'affaire Tomassi.

«Il faut regagner la confiance des gens», a-t-il dit, lors d'un entretien, en marge d'un événement public.

«On a un défi au niveau de la perception», a ajouté le ministre.

Le premier intéressé, l'ex-ministre de la Famille, était introuvable vendredi. À son bureau de circonscription, on indiquait que le député de Lafontaine ne ferait aucun commentaire.

M. Tomassi n'a pas été vu en public et n'a accordé aucune entrevue depuis que le premier ministre l'a répudié, jeudi, parce qu'il avait utilisé à des fins personnelles une carte de crédit de l'agence de sécurité BCIA, appartenant à un de ses amis, alors qu'il était député et adjoint parlementaire du premier ministre.

Quant à lui, le premier ministre Jean Charest, de passage à Saguenay, a répété ce qu'il avait dit maintes fois en Chambre, à savoir que le Parti québécois s'adonnait à une campagne de salissage et ne cherchait qu'à «noircir le tableau».

De son côté, la nouvelle ministre de la Famille, Yolande James, a refusé une demande d'entrevue.

La ministre conserve ses fonctions antérieures de ministre de l'Immigration, ce qui accrédite la probabilité d'un remaniement à court terme, après la fin des travaux parlementaires, le 11 juin.

Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, n'a pas voulu non plus dire pourquoi lui-même et son directeur de cabinet avaient accepté de rencontrer l'ami de M. Tomassi et patron de BCIA, Luigi Coretti, qui cherchait à obtenir un permis de port d'arme à feu.

Le président de l'Assemblée nationale, Yvon Vallières, s'est lui aussi abstenu de tout commentaire.

Il n'a donc pas voulu trancher pour dire dans quelle mesure un député ayant admis avoir utilisé une carte de crédit d'une entreprise demeurait toujours apte à siéger à l'Assemblée nationale.

En vertu de l'article 61 de la Loi sur l'Assemblée nationale, «un député doit éviter de se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influer sur l'exercice de ses fonctions».

Les sanctions prévues peuvent aller jusqu'à la perte de son siège au parlement, s'il est démontré que c'est le cas.

Il reste aussi à savoir si M. Tomassi, tout en se servant de la carte de crédit de BCIA pour l'achat d'essence, s'est ou non prévalu de son allocation de transport.

Comme député, il a droit au remboursement des dépenses reliées à 60 trajets par année entre le parlement et sa circonscription, située à Montréal.

Le ministre Bolduc s'est dit d'avis que le cas de M. Tomassi n'indiquait pas une quelconque dérive au sein des troupes libérales.

«Je pense que c'est vraiment exceptionnel et probablement une situation unique», a-t-il dit.

Selon lui, les contrôles de sécurité au moment où un élu devient député ou ministre sont suffisants et n'ont pas à être resserrés, à la suite de l'affaire Tomassi.

À ses yeux, le premier ministre a donc agi dans ce dossier avec toute la célérité requise.

«Cela lance un bon signal à la population qu'on ne laisse pas traîner les choses», a-t-il ajouté.

Par ailleurs, l'éviction de Tony Tomassi du cabinet et du caucus libéral rend moins confortable la majorité du gouvernement en Chambre, et pourrait l'obliger à surveiller ses arrières pour s'assurer que le nombre de députés requis est bel et bien présent au moment des votes.

Les libéraux ont désormais 66 sièges, contre 50 aux péquistes, quatre à l'ADQ, un à Québec solidaire. Trois députés sont indépendants et un siège est vacant, celui de Vachon.

L'annonce d'une élection complémentaire dans Vachon est attendue d'ici un mois et tout porte à croire que le siège demeurera dans le giron péquiste.

Si tous les députés d'opposition se liguaient contre le gouvernement dans un dossier, ils seraient 59 contre 66, mais en fait 65 puisque le président de l'Assemblée nationale reste au-dessus de la mêlée. Sa majorité ne serait donc plus que de six sièges.