Le ministre du Travail, David Whissel, reconnaît avoir rencontré l'entrepreneur en construction Tony Accurso «à certaines occasions «, mais il refuse de préciser lesquelles.Ce n'était toutefois ni à son domicile, ni sur son yacht, ni dans sa loge du Centre Bell.

«C'est un homme bien connu qui a plusieurs entreprises. Et il est arrivé à certaines occasions que j'ai croisé M. Accurso», a affirmé M. Whissel à l'entrée de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, hier. «Il est clair que, comme beaucoup de politiciens, autant du côté libéral qu'au Parti québécois, au fil des ans, on croise des gens de la trempe de M. Accurso», a-t-il ajouté. Les relations de Tony Accurso ont fait la manchette au cours des dernières semaines. Cet important entrepreneur a reçu le président de la FTQ, Michel Arsenault, sur son yacht pendant les Fêtes. Frank Zampino, quand il était président au comité exécutif de la Ville de Montréal, est allé en vacances dans le Sud avec M. Accurso. Interrogé pour savoir à quelles occasions il avait rencontré l'entrepreneur, David Whissel a esquivé la question. «Ce n'est pas l'objet de la discussion qu'on a présentement «, a répondu le ministre qui avait d'abord été questionné sur l'enquête de la Sûreté du Québec dans l'industrie de la construction. M. Whissel a toutefois indiqué qu'il n'a jamais accompagné M. Accurso sur son yacht ou dans sa loge du Centre Bell. «Je n'ai jamais été chez lui», a ajouté cet ancien président et propriétaire de l'entreprise Béton 444, de Saint-André-d'Argenteuil.

 

Le gouvernement Charest est préoccupé par l'enquête de la Sûreté du Québec sur les liens entre le crime organisé et l'industrie de la construction. Québec suit d'autant plus près cette enquête sur un réseau de blanchiment d'argent qu'il investit comme jamais des milliards de dollars dans des travaux d'infrastructures.

«On est conscient du fait qu'au niveau de la construction, il y a beaucoup d'activités. C'est une préoccupation pour nous de faire en sorte que les choses se passent correctement. On fera les ajustements au besoin», a affirmé le premier ministre Jean Charest, refusant de préciser ce que seraient ces ajustements. Québec investira près de 42 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années dans des travaux d'infrastructures. Est-ce que le crime organisé risque de profiter de ces investissements? «Je ne veux pas commenter les enquêtes», a répondu M. Charest. «C'est clair que nous suivons ça de très près, a dit de son côté le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. C'est évidemment préoccupant. Nous n'avons pas les yeux fermés. Nous avons les yeux très ouverts, les oreilles très ouvertes. On suit ça avec énormément d'intérêt.» Québec attend les conclusions de l'enquête policière avant de se prononcer sur l'opportunité de tenir une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, comme celle présidée par Robert Cliche en 1975. «On verra éventuellement ce qui sortira de l'enquête policière, et le moment venu on prendra une décision», a affirmé David Whissel.

Interrogé pour savoir pourquoi les chantiers de construction coûtent systématiquement 10% de plus au Québec que dans le reste du Canada, JeanCharest a répondu qu'«il y a des raisons historiques que des gens pourront peut-être expliquer mieux que d'autres». Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, qui a passé 25 ans au Fonds de solidarité de la FTQ, a dit qu'il serait «très surpris» que cette institution ait pu, même sans le savoir, investir dans des entreprises liées au crime organisé. Il n'a «jamais» eu de soupçons à cet égard durant son passage au Fonds. En décembre 2005, après le dépôt du rapport sur le chantier désastreux de la Gaspésia, où le Fonds de solidarité était investisseur et la FTQ-Construction représentait les travailleurs, la Loi sur les relations de travail dans le milieu de la construction avait été modifiée. Le but: contrer l'intimidation sur les chantiers et écarter les délégués syndicaux ayant un casier judiciaire. Depuis trois ans, selon la Commission de la construction du Québec (CCQ), 12 plaintes pour intimidation ont été déposées, mais aucune n'a débouché sur une condamnation. «Dans l'ensemble, on intervient de manière informelle et la situation est corrigée en collaboration avec les parties», dit le porte-parole de la CCQ, André Martin. Par ailleurs, sept délégués ont été écartés pour avoir eu dans le passé des condamnations criminelles, sur un total de 473.

«On ne peut pas dire qu'on est débordés de plaintes, dit M. Martin. Et on ne peut pas intervenir si les gens ne se plaignent pas. Si la réalité est si pire que ça, les gens s'en accommodent.»