Friands d'annonces pour leur circonscription, les ministres devront désormais faire face à leurs responsabilités si, faute de financement, leurs projets sont publiquement relégués aux oubliettes, a prévenu hier le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard.

D'ici quelques jours, le gouvernement Marois déposera un projet de loi pour encadrer le processus de décision menant à l'annonce d'un projet d'investissement immobilier, a indiqué M. Bédard, rendant public à larges traits le Plan québécois des infrastructures (PQI) pour 2013-2023. «Les ministres demandent: «Quand est-ce que je peux l'annoncer? « Comme des enfants qui demandent du bonbon. On leur dira plutôt: «Est-ce que vous avez bien budgétisé? «», a illustré le ministre, en conférence de presse.

Sans citer un seul projet, M. Bédard a annoncé qu'au cours des 10 prochaines années, Québec injectera 92,3 milliards en immobilisations, une facture envoyée à la dette, qui ne compromettra toutefois pas l'engagement du gouvernement de ramener le ratio dette/produit intérieur brut, d'ici 2045, promet-il. En moyenne, sur 10 ans, ces investissements publics assureront l'apparition ou le maintien de 58 000 emplois par année.

Pour l'opposition libérale, Pierre Arcand a relevé que Québec réduisait en fait de 1,5 milliard par année ses dépenses en immobilisation, un déficit de 15 milliards sur 10 ans pour l'économie québécoise parce que le projet souverainiste du gouvernement freine les investissements et la croissance des dépenses gouvernementales. Le PQ quant à lui accuse les libéraux d'avoir fait des annonces sans avoir prévu de fonds.

Le PQ prévoit qu'en 2013-2014, les immobilisations seront de 11 milliards, dont 2,5 iront au réseau routier, et 2,4 milliards à la santé. Pour 2012-2013, les investissements publics en immobilisation avaient été de 12,5 milliards. Un creux sera atteint en 2017-2018, avec 7,7 milliards d'immobilisations - l'échangeur Turcot et les projets d'hôpitaux seront notamment devenus moins gourmands.

Des projets annoncés sont réalisés à 84%. Le taux atteint 94% pour le réseau de transports, mais il est autour de 55% pour les projets liés à la Sécurité publique, la recherche et l'agriculture. Le rapport est muet sur des projets attendus comme l'Institut de cardiologie de Montréal ou la construction de trois nouveaux centres de détention par exemple. Le document laisse perplexe quant aux nouvelles initiatives toutefois. Seulement 270 millions sur 10 ans sont prévus pour des projets «à l'étude», en première phase d'évaluation.

Nouvelle approche

Le projet de loi concrétisera la fusion entre Infrastructure Québec et la Société immobilière, déjà annoncée dans le budget de novembre. Surtout, elle mettra en place un nouveau cadre pour le parcours des projets d'immobilisations. Une fois l'an, le gouvernement publiera la liste détaillée des projets avec leur degré d'avancement. Ils devront passer par trois étapes. La première: «à l'étude» au moment où des fonds sont débloqués pour vérifier la faisabilité du projet, sans que la décision soit irréversible toutefois. Suivra la phase de la «planification» et de la «réalisation». S'il advenait qu'un projet soit retiré des priorités faute de financement, le gouvernement devra l'indiquer clairement. «Un drapeau rouge» apparaîtra sur le tableau de bord, promet le ministre Bédard. Ce qui ne sera pas sans conséquence pour les élus.

«Les Québécois ont soif de vérité et de transparence. Nous allons leur livrer un processus intègre, transparent, crédible parce que l'à peu près régnait et avec lui l'opportunisme politique irresponsable», a lancé M. Bédard. Dans les derniers mois du gouvernement libéral, des projets avaient été retirés des plans en catimini pour permettre d'autres annonces.

En dépit de ses engagements de l'automne dernier, au moment du dévoilement d'une étude de KPMG sur le plan d'immobilisation, le ministre Bédard n'a pas publié la liste des projets que le gouvernement compte financer. Les ministres sectoriels déclineront par des annonces dans les prochaines semaines les projets qui ont obtenu le feu vert, a-t-il expliqué. Déjà, le titulaire des Transports, Sylvain Gaudreault, a eu l'aval pour les siens - le temps pressait pour lancer les appels d'offres. Mme Marois a pu aussi annoncer un nouvel hôpital de 376 millions à Baie-Saint-Paul la semaine dernière.