Seul Stephen Harper détient le pouvoir de dépouiller Arthur Porter de son titre de membre du Conseil privé de la Reine, obtenu en 2008 à la suite de sa nomination par le premier ministre au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), en septembre de la même année.

M. Harper peut en effet recommander au gouverneur général, David Johnston, de rayer le nom de M. Porter de la liste courante des membres du Conseil privé, un groupe sélect de Canadiens qui servent ou ont servi l'État dans diverses fonctions importantes, dont celles de premier ministre et de membres du cabinet, a confirmé à La Presse une source au bureau du Conseil privé.

M. Porter, qui vit aux Bahamas, est actuellement visé par un mandat d'arrêt de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) relativement à des tractations illégales entre SNC-Lavalin et le CUSM.

Mais le bureau du premier ministre refuse de commenter le statut de M. Porter. «Cette affaire est devant les tribunaux. Donc, il serait inapproprié de faire des commentaires», a indiqué Carl Vallée, porte-parole de M. Harper.

Aux Communes hier, le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Pierre Poilievre, a balayé d'un revers de main les questions du Nouveau Parti démocratique au sujet de la nomination de M. Porter, affirmant qu'il ne s'agissait pas d'un dossier important.

Reproches de l'opposition

Selon le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae, M. Harper ne veut pas avouer qu'il a fait une erreur lorsqu'il a nommé M. Porter à un poste important dans l'appareil fédéral en lui retirant son titre de membre du Conseil privé.

«Il ne veut pas attirer l'attention des gens sur le fait qu'il a eu tort de faire une telle nomination au départ», a dit M. Rae à La Presse.

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice s'est montré plus incisif. «Je trouve cela disgracieux qu'il soit encore au Conseil privé de la Reine. Il est toujours innocent avant d'être reconnu coupable, j'en conviens. Mais M. Harper n'aurait jamais dû le nommer au Conseil privé de la Reine.»

Le mutisme du bureau du premier ministre dans le cas d'Arthur Porter tranche avec d'autres situations où M. Harper a rapidement coupé les liens avec certains de ses collègues conservateurs. À titre d'exemple, M. Harper a montré la porte du cabinet et du caucus conservateur à l'ancienne ministre d'État de la Condition féminine Helena Guergis, en avril 2010, en soutenant qu'il avait été mis au courant «d'allégations sérieuses». Ces allégations n'ont pas débouché sur des accusations criminelles.

M. Harper a aussi expulsé rapidement le sénateur Patrick Brazeau du caucus conservateur le mois dernier, quelques heures avant qu'il ne soit formellement accusé de voies de fait et d'agression sexuelle.

Privilèges à vie

Le nom de M. Porter apparaît toujours dans la «liste alphabétique courante des membres du Conseil privé de la Reine pour le Canada», selon le site internet du gouvernement fédéral.

Les membres du Conseil privé conservent des privilèges toute leur vie, peut-on aussi y lire. Ils portent le titre d'«honorable» à vie et utilisent les initiales «C.P.».

Les membres peuvent avoir une place réservée lors de cérémonies, comme des funérailles nationales. Ils peuvent aussi prendre part aux rares réunions officielles du Conseil privé. Enfin, «à leur mort, le drapeau de la tour de la Paix du parlement est mis en berne».