Mardi matin, à l'Université McGill, Justin Trudeau a fait valoir qu'il faudrait qu'«au moins» les deux tiers des Québécois votent en faveur de la souveraineté pour qu'un référendum soit valide. À l'Université de Montréal, en après-midi, M. Trudeau a déclaré que le fait que le Québec n'ait pas signé la Constitution est «un beau mythe».

«Si on est pour changer la Constitution canadienne et l'état de notre pays de façon aussi profonde, on devrait au moins exiger le même seuil que celui qui est nécessaire pour changer la constitution du parti néo-démocrate, qui est des deux tiers», a déclaré M. Trudeau, qui faisait référence à la position de Thomas Mulcair sur la clarté référendaire.

Interrogé ensuite à ce sujet par La Presse, M. Trudeau a nuancé un peu ses propos. Il a précisé qu'il est en fait d'accord avec la Cour suprême, qui exige une majorité claire. Pour le reste, «le niveau d'acceptation est une décision politique qui doit être prise en temps et lieu».

M.Trudeau a ajouté qu'il ne sait pas encore quel serait le taux acceptable. «Mais ce serait bien plus que 50 plus 1», pour tenir compte du taux de participation, qui pourrait influencer la réelle volonté populaire.

Toutefois, à la fin du point de presse, le candidat à la direction du Parti libéral du Canada est revenu sur le seuil des deux tiers exigé par la constitution du Nouveau Parti démocratique. Il a déclaré qu'il ne voit pas pourquoi Thomas Mulcair «exigerait moins pour changer la Constitution du Canada».

Le gouvernement péquiste n'a pas tardé à dénoncer ces déclarations. «Ce sont des propos qui divisent, des propos antidémocratiques», a affirmé le ministre des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier.

Selon lui, M. Trudeau s'inscrit «en complète contradiction avec les règles élémentaires des droits des peuples à l'autodétermination».

Cauchon dénonce ses popos

L'un des adversaires de M. Trudeau dans cette course, l'ancien ministre de la Justice Martin Cauchon, a aussi vertement dénoncé les propos du jeune député libéral.

Selon lui, M. Trudeau va carrément à l'encontre de la Loi sur la clarté en affirmant qu'une majorité des deux tiers serait nécessaire lors d'un référendum sur la souveraineté.

M. Cauchon parle en connaissance de cause, puisqu'il était à la table du cabinet de Jean Chrétien lorsque cette loi a été rédigée.

«Il n'y a jamais un politicien sur la scène fédérale jusqu'ici qui a qualifié le pourcentage nécessaire. La raison est très simple. C'est parce que la loi elle-même ne parle pas de pourcentage. Dans un souci de respecter la démocratie, les parlementaires fédéraux se sont réservé la possibilité d'analyser la question et la conjecture dans laquelle le vote serait pris et la majorité qui se serait exprimée», a affirmé M. Cauchon à La Presse.

«Ce qu'il a dit va carrément à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la Loi sur la clarté. [...] Il est plutôt déconcertant, pour ne pas dire déboussolant, de voir un politicien fédéral qualifier le pourcentage requis quand on considère la Loi sur la clarté», a ajouté l'ancien ministre.

Un vieux débat, tout ça? Pas aux yeux des étudiants de l'Université de Montréal, qui ont rebondi en après-midi sur cette question des deux tiers.

À un étudiant qui expliquait par ailleurs à Justin Trudeau qu'il lui était difficile de se sentir canadien, puisque le Québec n'a pas adhéré à la Constitution canadienne, le candidat libéral a répondu: «C'est un beau mythe, ça, que le Québec ne soit pas signataire de l'Acte constitutionnel de 1982».

Cette déclaration a été accueillie par un éclat de rire des étudiants présents.

- Avec Paul Journet et Joël-Denis Bellavance