Le gouvernement conservateur a choisi d'abandonner le controversé et critiqué projet de loi sur la surveillance Internet, une mesure cruciale, a-t-il déjà soutenu, pour arrêter les pornographes juvéniles.

Il y a moins d'un an, le gouvernement avait en quelque sorte placé les Canadiens devant deux choix face au projet C-30, alors nommé Loi sur la protection des enfants contre les cyber-prédateurs.

«Soit qu'il est de notre côté, soit qu'il est de celui des pornographes juvéniles», avait lancé le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, en guise de semonce à un porte-parole du Parti libéral, en février dernier.

Ce commentaire avait provoqué un tollé public au sujet de l'Internet et de la vie privée, et dégénéré en douloureuse controverse pour le ministre Toews, dont des détails relatifs à son divorce avaient été dévoilés partout sur l'Internet par un membre du personnel du Parti libéral du Canada.

M. Toews, qui avait présenté le projet de loi, était absent, lundi, lors de la conférence de presse durant laquelle le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a confirmé que le projet C-30 était chose du passé.

Après avoir dévoilé des changements à la loi canadienne sur la mise en écoute en situation de préjudice imminent, M. Nicholson a annoncé l'annulation de C-30 en réponse à une question d'un journaliste - que le ministre avait de toute évidence prévue.

«Nous n'irons pas de l'avant avec le projet de loi C-30, et chacune de nos tentatives pour moderniser le Code criminel n'englobera pas les mesures de C-30 - incluant le dévoilement obligatoire sans mandat des informations de base de l'abonné, ou l'obligation pour les fournisseurs de services de télécommunications de bâtir, à même leurs systèmes, des capacités d'interception», a déclaré M. Nicholson.

«Toute modernisation du Code criminel... ne les inclura pas (ces clauses)», a-t-il répété.

La loi aurait forcé les fournisseurs de service Internet à maintenir des dispositifs permettant à la police d'intercepter et de suivre les communications en ligne.

Elle aurait aussi garanti aux policiers ainsi qu'aux agents des services de renseignements et du Bureau de la concurrence un accès sans mandat à l'information de l'abonné internet, incluant son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son adresse de courriel et son adresse de protocole Internet. La police disait avoir besoin de ces renseignements pour traquer les pornographes juvéniles, entre autres.

«Nous avons involontairement créé des refuges sûrs pour ceux qui se servent de la technologie pour faire la contrebande d'armes, de drogue et d'humains», avait écrit le chef de police de la ville de Vancouver, Jim Chu, également président de l'Association canadienne des chefs de police, dans un commentaire éditorial en novembre dernier.

«Il s'agit d'une bénédiction pour les réseaux de pédophiles, les blanchisseurs d'argent, les extorqueurs, les télévendeurs malhonnêtes, les fraudeurs et les terroristes. Les cyberintimidateurs transmettent leur vitriol avec impunité.»

Selon M. Chu, les policiers étaient «menottés par une loi adoptée en 1975, à l'époque des téléphones à roulette».

Richard Fadden, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), a indiqué qu'il ne savait pas que le projet de loi avait été abandonné.

«Dès le début, nous avons dit que certains aspects nous seraient utiles, a déclaré M. Fadden à des journalistes, après être apparu devant un comité sénatorial relatif à un autre sujet. Ce n'est pas absolument vital à notre travail.»

M. Nicholson a annoncé, lundi, des changements qui permettront à la police de faire l'écoute des lignes téléphoniques sans mandat dans les cas d'urgence ou de préjudice imminent.

Les propositions du gouvernement respectent davantage les recommandations de la Cour suprême qui, le printemps dernier, avait statué de façon unanime que l'espionnage électronique sans mandat contrevenait à la Charte des droits et libertés.