Les ennuis avec la justice continuent de s'accumuler pour le jeune sénateur Patrick Brazeau, au point où le Parti conservateur a décidé de l'expulser de son caucus. Il siégera désormais comme indépendant.

Le parlementaire autochtone de 38 ans, nommé par Stephen Harper au Sénat en 2009, se serait fait arrêter jeudi matin par la police dans une résidence de Gatineau dans une affaire de violence conjugale.

La police de Gatineau n'a pas infirmé ces informations, relayées par de nombreux médias en fin d'avant-midi jeudi. « Plusieurs médias nous contactent concernant un dossier d'arrestation d'un homme ce matin en matière de violence conjugale », peut-on lire dans la déclaration diffusée en après-midi.

« Nous confirmons l'arrestation d'un homme vers 9 h 10 ce matin, soit le 7 février 2013,  dans une résidence de la Ville de Gatineau en matière de violence conjugale. »

« Il n'y aura aucun autre détail pour le moment », ont ajouté les services policiers, précisant que « tant que les accusations ne sont pas autorisées par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, le nom de l'accusé, le nom de la victime et l'adresse ne sont jamais divulgués ».

Le service de police de la Ville de Gatineau a précisé que l'homme en question était toujours détenu et interrogé et que des accusations pourraient être déposées contre lui dans le courant de la journée.

La leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton, s'est limitée à une brève déclaration. « Étant donné la gravité des événements rendus publics aujourd'hui, le sénateur Brazeau ne fait plus partie du caucus conservateur. Comme il s'agit d'une question légale, je ne peux commenter davantage », peut-on lire dans le courriel envoyé par son bureau.

Nombreux démêlés

Cette arrestation survient dans la foulée d'une série d'allégations de fraudes, de harcèlement sexuel et de recours pour non-paiement de pension alimentaire qui ont fait surface au cours des derniers mois.

Mercredi soir, le réseau CTV a rapporté que M. Brazeau, un Indien non inscrit, avait déclaré une fausse adresse sur une réserve du Québec aux autorités du Revenu pour profiter d'exemptions fiscales auxquelles il n'avait pas droit entre 2004 et 2008. Il était alors à l'emploi du Congrès des peuples autochtones, une organisation qui défend les intérêts des Indiens non inscrits.

Il y a quelques mois, le même réseau a diffusé un autre reportage, dans lequel on révélait que le sénateur du Québec avait déclaré aux autorités du Sénat un lieu de résidence dans lequel il ne semblait pas vivre, afin de bénéficier d'une prime de logement de 21 000$ pour sa résidence de la région d'Ottawa. Ces déclarations, comme celles d'autres sénateurs, font actuellement l'objet d'une enquête par un comité de la Chambre haute.

Il a aussi été révélé que Revenu Québec a récemment ordonné une saisie de 800 $ par mois sur le salaire du sénateur pour une pension alimentaire destinée à son fils aîné, qu'il refusait ou omettait de payer.

Enfin, des allégations de harcèlement sexuel lors d'une fête de Noël bien arrosée par une ancienne employée ont fait l'objet d'un recours à la Cour fédérale, en appel d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne de ne pas entendre la cause. M. Brazeau était chef national du Congrès des peuples autochtones au moment des faits.

Déclarations controversées

Les ennuis de cet adversaire défait par Justin Trudeau lors d'un match de boxe hautement médiatisé l'an dernier ne s'arrêtent pas aux démêlés avec la justice.

Il y a quelques mois, la Presse canadienne avait rapporté qu'il avait un taux d'absentéisme très élevé au Sénat : il avait alors manqué 25 % des 72 journées de séance et 65 % des rencontres du comité sénatorial des affaires autochtones, sur lequel il siège.

L'article l'avait incité à se rendre sur Twitter et à traiter l'auteure de « salope », insinuant qu'elle était insensible à des problèmes personnels qu'il n'a pas divulgués.

Plus récemment, Patrick Brazeau a été une nouvelle fois au centre d'une controverse médiatique, lorsqu'il s'est moqué d'un surplus de poids de la chef d'Attawapiskat Theresa Spence avant et après sa grève de la faim. Il a fait ces commentaires lors d'une campagne de financement du Parti conservateur dans la région d'Ottawa.

Le sénateur conservateur s'est montré très critique du mouvement autochtone tout au long des protestations qui ont fait rage dans les dernières semaines, exigeant une plus grande transparence financière et responsabilité de leurs leaders.

Réactions

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a saisi l'occasion pour rappeler l'opposition de son parti à l'existence même du Sénat. Il a souligné que s'il siégeait jusqu'à 75 ans, Patrick Brazeau pourrait coûter plus de 7 millions de dollars aux contribuables. Dans le contexte des allégations de fausses représentations qui pèsent sur lui et sur certains de ces collègues au sujet de leur lieu de résidence, dont l'ancien journaliste Mike Duffy, il est impératif de se débarrasser dès maintenant de cette institution, a plaidé le député montréalais.

«Jusqu'à ce qu'on soit capables de se débarrasser du Sénat, c'est le genre de choses qu'on va devoir endurer. Le NPD souhaite se diriger dans cette direction. Nous ne comprenons pas pourquoi un Sénat non-responsable et non-élu devrait avoir le pouvoir de siéger en appel des décisions prises par les représentants élus de la Chambre des communes», a lancé M. Mulcair lors d'un point de presse à Montréal.

Lors de la période de questions, le premier ministre Stephen Harper a réitéré la position exprimée par la sénatrice LeBreton. « À la lumière des événements sérieux qui ont été rapportés aujourd'hui, j'ai retiré le sénateur Brazeau du caucus conservateur », a-t-il indiqué. Les incidents n'ont pas empêché le Parti conservateur de vanter son bilan en matière de défense des victimes et de durcissement de la justice criminelle face au crime, comme il le fait régulièrement durant la période de questions.

Enréponse à une question posée par un membre de son propre parti au sujet desactions du gouvernement annoncées cette semaine pour lutter contre la violence sexuelle, le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a déclaré : « J'espère que pour une fois, nous pourrons compter sur l'appui des partis de l'opposition dans nos efforts de défendre les victimes ».

- Avec Le Droit