Le gouvernement Harper promet de présenter une loi pour durcir, encore une fois, les peines contre les prédateurs sexuels et une autre pour créer une Charte des droits des victimes.

C'est ce qu'a fait savoir lundi le ministre de la Justice, Rob Nicholson, en présentant les prochaines étapes de son plan pour réduire la criminalité au pays. Un «plan» qualifié par l'opposition de «recyclage» d'annonces, sans aucun contenu.

La loi qui amènera des peines plus sévères visera aussi à limiter les risques posés par les pédophiles connus, est-il indiqué dans la documentation transmise par le bureau du ministre.

Mais le gouvernement ne précise pas ce qu'il entend faire exactement.

Son projet C-10, devenu loi l'an dernier, prévoyait déjà des peines plus sévères pour au moins une dizaine de crimes de nature sexuelle lorsque des enfants sont impliqués.

Ottawa n'indique pas s'il veut durcir les peines de prison pour d'autres crimes que ceux déjà visés par C-10 ou s'il veut rendre les peines déjà augmentées encore plus sévères. C-10 avait été fortement critiqué après son dépôt, notamment par le gouvernement du Québec.

Une porte-parole du bureau du ministre a répondu que des peines plus sévères étaient effectivement envisagées, sans pouvoir en dire plus sur les crimes visés. Elle a toutefois précisé que cela serait fait dans un cadre plus large, qui vise aussi l'aide aux enfants victimes.

«Le public perd confiance dans le système de justice quand il estime que les conséquences d'un crime sont inadéquates et que la peine ne convient pas au crime», a insisté le ministre Nicholson.

En énonçant son plan, il a aussi dit vouloir faire adopter une loi pour créer une Charte des droits des victimes. Cette mesure permettrait au gouvernement d'honorer encore mieux son engagement envers les victimes d'actes criminels en enchâssant leurs droits dans une loi unique à l'échelon fédéral, a-t-il déclaré. Aucun détail n'est fourni sur les droits qui seront précisés dans cette Charte.

Il n'y avait pas de contenu dans cette annonce, a critiqué Françoise Boivin, porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de justice. «On étire la sauce.»

Le Parti libéral y a vu pour sa part du recyclage. «Il n'y a rien de neuf là-dedans», a commenté le député Irwin Cotler. Pour lui le programme n'en est pas un de justice, mais plutôt une liste de punitions.

Dans un réel programme de justice criminelle, l'opposition voudrait voir plus d'efforts pour la prévention.

Le gouvernement fait savoir que «des initiatives spécifiques seront annoncées au cours des jours et des mois qui viennent». Vraisemblablement, avec le dépôt de projets de loi.

Rob Nicholson veut aussi que le processus d'extradition soit accéléré et resserrer les règles entourant la remise en liberté des criminels. «Au Canada, il faut en moyenne deux ans et demi pour extrader un criminel afin qu'il soit traduit en justice», calcule M. Nicholson.

Pour justifier son plan, le gouvernement a fait état d'une longue liste de statistiques sur le crime. Notamment, il a fait ressortir qu'en 2009, les enfants et les jeunes de moins de 18 ans ont constitué 58 pour cent de toutes les victimes de violences sexuelles déclarées à la police et qu'en 2011, 9597 agressions sexuelles d'enfants ou de jeunes ont été déclarées à la police.

Le ministre déplore la progression des agressions sexuelles sur les mineurs.

«Ce qui est encore plus perturbant, c'est que l'exploitation sexuelle des enfants devient manifestement de plus en plus violente (...) et que les enfants agressés sont plus jeunes que jamais auparavant», a-t-il souligné.

Le ministre de la Justice se trouvait à Toronto lundi et discutait des changements qui doivent être apportés au système de justice du Canada en compagnie notamment de Vince Hawkes, sous-commissaire de la Police provinciale de l'Ontario, et de l'ex-hockeyeur de la LNH Sheldon Kennedy.

«Les victimes ont besoin d'une voix plus forte dans le système de justice criminelle», a déclaré M. Kennedy qui a été victime d'agressions sexuelles dans sa jeunesse, commises par son entraîneur, Graham James. En plus d'avoir publiquement partagé son histoire, il est devenu porte-parole pour les programmes de prévention d'agression et de violence de la Croix-Rouge.

Le gouvernement est sur la bonne voie, juge-t-il, même si les détails législatifs sont encore manquants.

Le ministre Nicholson a aussi parlé de la technologie nécessaire pour mettre la main au collet des criminels.

«On doit moderniser le Code criminel. Les lois doivent être mises à jour. Les criminels ne se téléphonent plus désormais», a-t-il illustré.

Dans la foulée de la libération de Guy Turcotte, le cardiologue qui a tué ses deux enfants, Ottawa avait aussi récemment annoncé qui allait présenter une loi «pour mieux protéger le public» contre les accusés qui ont été reconnus non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux.

«C'est la troisième fois qu'ils (les conservateurs) font une annonce à ce sujet», a dit Mme Boivin, exaspérée.

Et on n'a pas encore vu la loi, fait-elle remarquer.